Obtenir un visa pour la France, quelque soit le motif du voyage, relève encore trop souvent du parcours du combattant, particulièrement lorsqu’on est ressortissant de pays africains ou du Maghreb. Une situation qui n’est pas du goût du député franco-marocain, M’Jid El Guerrab, qui vient de présenter devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française un rapport visant à faciliter le processus
Dans ce rapport, co-rédigé avec Sira Sylla, élue de Seine-Maritime et spécialiste des sujets touchant les diasporas africaines, les deux députés issus des rangs de la majorité se fendent d’un véritable plaidoyer en faveur de l’Afrique.
Sur les 3,5 millions de visas délivrés par la France en 2019, seuls 10 % ont été octroyés aux ressortissants d’Afrique subsaharienne, malgré le poids démographique grandissant de cette région du monde et l’histoire commune qui l’unit à la France, souligne le rapport intitulé « Pour une nouvelle politique des visas: ouvrir la France à ceux qui la font rayonner ».
« Des délais de délivrance trop longs, des refus injustifiés, des services consulaires sous tension… La question des visas est devenue un enjeu de politique étrangère pour la France. C’est l’un des principaux irritants entre la France et l’Afrique », affirment les deux co-rapporteurs de la mission « flash »sur la politique des visas.
« L’Afrique subsaharienne représente 15 % de la population mondiale mais seulement 10 % des visas délivrés par la France », constate M’Jid El Guerrab, député des Français de l’étranger dont la circonscription couvre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, dans un entretien à la MAP.
Le député, qui s’est rendu sur le terrain pour constater le travail des services consulaires français avant de rédiger son rapport parlementaire, reconnait que, très souvent, il est sollicité par des personnes désirant se rendre en France et rencontrant des problèmes de visas.
Ce ressenti est la conséquence, affirme-t-il, d’une importante demande, liée aux relations historiques entre la France et le continent africain qui se matérialise par une importante surcharge de travail sur les consultas français.
« Cette demande de France est exceptionnelle, c’est une vraie chance pour notre pays. C’est aussi un honneur auquel nous devons répondre le plus dignement possible », a-t-il dit. C’est pour cela que « nous défendons le principe de mobilité entre la France et le continent africain ». « Le Président Emmanuel Macron a parlé de mobilité circulaire, de partenariat reconstruit. Nous souhaitons accompagner cette volonté », a ajouté le député franco-marocain.
Selon lui, dans cette politique des visas, « nous devons fluidifier, faciliter et être plus réactif aux demandeurs qui ne présentent aucun risque migratoire ». Tout en gardant « une vigilance nécessaire ».
« Il s’agit de dédramatiser le processus de demande de visas, trop souvent source de stress et d’inquiétude », a plaidé M’Jid El Guerrab qui affirme que le rapport présenté devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale apporte quelques pistes.
« Afin de remédier aux difficultés, nous proposons par exemple qu’il soit possible d’obtenir un visa en 48h comme c’est le cas en Chine. Nous œuvrons également pour plus de fluidité à l’égard des multi-demandeurs. Il n’est pas normal qu’un primo-demandeur soit traité de la même manière qu’une personne qui est venue 10 fois en France… « , a-t-il affirmé.
De même, le dispositif « passeport talent » offre des possibilités de séjour prolongé en France pour des salariés qualifiés, des chercheurs, des artistes ou des entrepreneurs.
Selon le député, la politique française actuelle des visas, qu’il va falloir améliorer, n’a pas pesé sur l’attractivité de la France. « Ce qui ressort des échanges que nous avons pu avoir avec nos différents partenaires notamment lors de nos missions au Sénégal et en Côte d’Ivoire, c’est qu’il existe toujours une envie de France », a-t-il affirmé.
« Malgré la présence turque, chinoise ou canadienne mais également des pays du Golfe, en termes d’attractivité, nos partenaires souhaitent toujours autant étudier, voyager ou encore créer des opportunités économiques avec notre pays. Il ne s’agit pas de nier les difficultés mais nous n’avons pas le sentiment qu’il existe un rejet entre la France et le continent africain, dans un sens comme dans l’autre », a assuré le député français.
Par ailleurs, le rapport parlementaire pointe du doigt le « poids déterminant » des considérations sécuritaires dans l’octroi des visas aux ressortissants des pays africains. Pour y remédier, il propose d’opérer « un rééquilibrage des rôles du ministère de l’intérieur et des affaires étrangères, au profit de ce dernier ». « Ce rééquilibrage permettra d’insister sur l’expérience vécue par les demandeurs de visa plutôt que de se focaliser sur le volet sécuritaire », a indiqué M’jid El Guerrab.
Toutefois, estime le député français, « il est nécessaire de mettre en place un système de garant afin de s’assurer de la bonne foi et du bon retour concernant les demandeurs de visa « .
Le député franco-marocain s’est dit, par ailleurs, certain que le rapport va trouver des oreilles attentives auprès de l’exécutif. « Nous sommes certains que notre rapport est suivi de près par l’Exécutif. Nous allons présenter le rapport prochainement à plusieurs ministres fortement intéressés par la question de l’attractivité de notre pays », a-t-il indiqué.
Par ailleurs, « depuis le mois de septembre à l’Assemblée Nationale, nous avons également examiné et voté deux textes fondateurs de la nouvelle relation que la France souhaite avoir avec le continent africain : le projet de loi portant sur la restitution des biens culturels au Sénégal et au Bénin ainsi que la convention intergouvernementale mettant fin au Franc CFA. Je me suis d’ailleurs très fortement impliqué sur ces deux lois. Notre rapport s’inscrit ainsi dans cette séquence résolument tournée vers l’avenir », a-t-il affirmé.
Évoquant la question polémique de la hausse des frais universitaires pour les étudiants étrangers non communautaires dont les Marocains. Une mesure certes suspendue pour cause de la crise sanitaire mais qui pointe toujours sur la tête de ces étudiants comme une épée de Damoclès, le député franco-marocain a affirmé que « dès l’annonce de cette proposition, par ailleurs controversée en France, il s’est prononcé absolument contre ». « J’ai interpelé le gouvernement et les ministres à plusieurs reprises ! », a-t-il affirmé.
« Les étudiants africains représentent près de 50% de nos étudiants étrangers. Ils font donc partie intégrante de notre système universitaire et nous tenons à eux quelque soit leur fortune, ce qui compte c’est leur excellence, leur projet universitaire et la valeur qu’ils peuvent rapporter en Afrique. Tout cela dans le but de permettre d’accompagner le développement de l’Afrique », a-t-il plaidé.
« Nous défendons la mobilité croisée entre la France et le continent africain. Hors de question d’être accusé d’une quelconque fuite de cerveaux ! », a souligné le député français, ajoutant que « la question du modèle français de l’enseignement supérieur s’inscrit dans une stratégie plus large qu’uniquement celle des mobilités africaines vers notre pays ».
Ainsi à travers les projets de l’université Franco-Tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée UFTAM ou encore le campus Franco-Sénégalais de Dakar, le campus franco-ivoirien d’Abidjan, octroyant tous des diplômes reconnus en France, Paris et ses partenaires s’inscrivent dans une démarche innovante et dans un partenariat gagnant-gagnant, a-t-il assuré.