Italie: Tractations cruciales pour éviter une nouvelle crise de gouvernement

Après plusieurs semaines de tension au sein de l’exécutif italien en pleine pandémie, le petit parti Italia Viva (IV) a mis à exécution sa menace de quitter la coalition guidée par le Premier ministre Giuseppe Conte, faisant planer le spectre d’une nouvelle crise politique, et laissant présager des tractations difficiles pour sauver le gouvernement.

La nouvelle crise en Italie, pays où le gouvernement a été changé au cours des huit dernières années pas moins de cinq fois, est née des divergences autour du plan de relance de 222,9 milliards d’euros adopté mercredi par l’exécutif pour remettre à flot une économie mise à mal par le coronavirus. Ce programme de relance est tiré du méga-plan de 750 milliards d’euros adopté à l’été 2020 par les dirigeants européens et dont l’Italie est la principale bénéficiaire.

Le parti Italie Viva de l’ancien Premier ministre Matteo Renzia a décidé de retirer mercredi soir ses deux ministres du gouvernement, en reprochant à Giuseppe Conte de s’aligner sur le Mouvement 5 étoiles (M5S) et de « dilapider l’argent public » en accordant des rabais fiscaux et aides ad hoc pour des raisons électoralistes au lieu de profiter de cette manne pour investir et réformer structurellement.

Il demande aussi le recours au Mécanisme européen de stabilité (MES), fonds destiné aux pays de la zone euro en difficulté. Les deux ministres d’IV, Teresa Bellanova (agriculture) et Elena Bonetti (famille), se sont abstenues lors du vote sur le plan de relance.

Or cette rupture annoncée par Italia Viva avec les autres formations de l’alliance (et Parti démocrate/PD) devrait signer la fin du deuxième gouvernement de Giuseppe Conte, qui n’est donc plus assuré d’avoir une majorité au Sénat, mais les tractations vont bon train pour éviter de nouvelles législatives en pleine pandémie.

Plusieurs options sont à présent sur la table. Sans l’appui des 18 élus d’Italia Viva au Sénat, Giuseppe Conte perd sa majorité de 166 sièges sur 315 et l’Italie devrait alors retourner aux urnes, un scénario catastrophe pour Conte qui n’est toutefois pas privilégié par les sondages.

Un simple remaniement serait l’option la plus probable car selon les sondages, des législatives anticipées offriraient un boulevard à la droite et l’extrême droite, en tête dans les enquêtes sur les intentions de vote. Le patron des sénateurs d’Italia Viva, Davide Faraone, a d’ailleurs fait savoir mercredi que son parti n’avait pas l’intention de faire tomber le gouvernement. « Mais on a besoin d’un nouvel exécutif et d’un programme de législature », a-t-il dit.

Pour sauver son gouvernement, M. Conte s’est rendu jeudi au palais du Quirinal pour s’entretenir avec le président de la République Sergio Mattarella, figure très respectée en Italie et arbitre en cas de crise gouvernementale. Selon un communiqué de la présidence publié à l’issue de cette rencontre, le Premier ministre a « exprimé sa volonté de présenter devant le parlement les clarifications politiques nécessaires ».

Dans la matinée, sénateurs et députés avaient d’ailleurs suspendu leurs travaux et demandé à M. Conte de venir s’expliquer au Parlement sur la manière dont il entend sortir de cette crise politique. Le chef du gouvernement devra de toute manière tôt ou tard s’assurer qu’une majorité est encore prête à soutenir l’exécutif après le lâchage d’Italia Viva (IV).

Au-delà du contentieux sur le plan de relance, et malgré l’adoption en 2017 d’un mode de scrutin mixte pour les deux chambres, la crise actuelle témoigne de l’instabilité chronique des gouvernements italiens, souvent minoritaires ou construits sur des coalitions brinquebalantes.

Depuis la proclamation de la République italienne en 1946, l’Italie a connu 29 présidents du conseil (Premiers ministres) et 66 gouvernements. Giuseppe Conte (ex-M5S devenu indépendant) a gouverné avec le M5S et la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini entre juin 2018 et septembre 2019, avant de former une nouvelle équipe avec le M5S, le PD et IV.