La formation du sujet lecteur au secondaire: entre approche globale et analytique

« La notion de bibliothèque est fondée sur un malentendu, à savoir qu’on irait à la bibliothèque pour chercher un livre dont on connaît le titre ». Umberto Eco

La formation du sujet-lecteur est aussi une formation d’un citoyen ouvert d’esprit, penseur, cultivé et interprétateur qui combine entre la culture, la littérature, et la capacité langagière pour atteindre des finalités culturelles et sociales dépassant les barricades de l’école.

La lecture forme des états d’âmes, des lecteurs –amateurs qui se transforment en lecteurs-connaisseurs de littérature, capables de commenter, de mener un débat, d’avoir un esprit critique pertinent, au sein du concept de l’école qui est un endroit pacifique riche et régulateur, elle permet à l’élève de construire sa personnalité pendant toute sa vie scolaire, à l’aide des matières et disciplines qui s’entrelacent entre elles pour assurer un enchaînement et un processus d’enseignement /apprentissage de qualité l’aidant ensuite à avoir une autonomie et indépendance qui ouvrent plusieurs pistes de réflexion et d’action devant lui, elle est bien entendu un abri de toute sorte d’élèves adoptant de différentes stratégies d’apprentissage à savoir le béhaviorisme qui se base sur l’imitation et l’observation, le cognitivisme s’articulant autour des étapes de l’appropriation d’une information, le constructivisme où l’élève construit son savoir lui-même, et le socioconstructivisme qui prône l’interaction et l’échange entre plusieurs individus partageant le même centre d’intérêt.

L’école permet à l’élève d’avoir un échange au quotidien avec ses camarades, ses enseignants et son univers scolaire, tout cela contribue à la construction de son profil de sortie, un profil qui peut rester immuable toute une vie.

La construction, bien entendu de ledit profil, de sorte qu’il n’ait pas seulement besoin de discipline scientifique pour s’assurer une belle carrière, mais plutôt d’un état d’âme, d’un esprit d’analyse, d’un regard critique, douteux, et confiant sur le monde en général et la société où il vit en particulier.

Notre article met en question la démarche littéraire adoptée au secondaire, la place de la lecture dans le cursus scolaire de l’élève, sa façon de comprendre, de lire et d’apprendre, l’approche globale qui prend de plus en plus de l’ampleur et la démarche d’enseignement d’un contenu littéraire qui se base sur ladite approche tournant autour des questions de compréhension qui sont valables à tous les niveaux, sachant que les élèves grandissent et leur capacité à recevoir et à analyser change, de ce fait l’approche globale se basant sur des questions récurrentes qui sont très basiques ne permet pas à l’apprenant Marocain de s’approprier un esprit d’analyse, de construire une autonomie du savoir, mais plutôt limite son imagination, son effort cognitif et sa façon de voir le monde à travers un contenu littéraire, il faudrait à cet égard souligner que la lecture invite l’élève à se familiariser avec plusieurs champs disciplinaires, en l’occurrence (l’histoire, la littérature, la sociologie, la psychologie, la philosophie), elle appelle la construction humaine, intellectuelle et discursive.

La problématique de l’article:

Le lecteur exige d’un texte littéraire ou d’un livre, qu’il vive une expérience esthétique ouverte sur l’écart, le symbole et la polysémie, une expérience qui consiste à soumettre le texte à des évaluations contradictoires et à trouver dans chacune d’elles des motifs.

En outre, la lecture n’est pas seulement une réception, mais bien entendu une émission, comme le montre Umberto Eco dans sa notion de stratégie de lecture, l’auteur organise son texte en pensant à la réaction du lecteur, cela voudrait dire que le lecteur devrait faire preuve d’implication et de concentration sur le contenu du livre et prendre une posture d’interprétateur, de critique et de commentateur comme nous l’avons mentionné dans ce qui précède.

Il importe que le lecteur devient lui-même auteur pour pouvoir concevoir la lecture interprétativement et d’agir en fonction de l’analyse du contenu qui peut être en avantage ou en désavantage de l’intention de l’auteur.

Cette notion de stratégie de lecture d’Umberto Eco épaule l’élaboration de notre problématique qui s’intéresse particulièrement à la question prenant l’allure suivante:

La formation du sujet-lecteur peut-elle développer l’esprit d’analyse et changer son identité ?

L’espace entre approche globale et analytique dans la lecture:

L’approche analytique se centre sur l’individu et tient compte de son inconscient, elle réduit le contenu du texte au plus petit élément qui le compose pour le reconstruire de nouveau par le lecteur, cette démarche l’aide à comprendre les circonstances de la rédaction de l’œuvre et à se séparer d’elle en adoptant une posture d’un critique littéraire; elle construit son identité de lecteur à travers son regard sur le texte et en prenant en considération bien entendu des procédés de narration tels que la construction des personnages, le mode de représentation dans le texte, la description, l’intervention de la narration à un moment donné dans le texte et la stylistique .

Nous pouvons estimer que l’approche analytique adoptée auparavant demande un travail de longue haleine, une approche difficile à appréhender au premier abord, de ce fait le recours à l’approche globale reste abordable en termes de temps, de coût et de formation des enseignants, car l’analyse demande toute une réflexion, une préparation au préalable et des compétences professionnelles d’une grande envergure pour pouvoir déchiffrer le code d’un texte sans passer par des questions globales qui ne demandent pas de l’effort intellectuel et réflexif.

Le volet didactique de l’article:

Travailler la lecture dans une classe de secondaire est devenu un exercice inextricable permettant à l’élève de développer pas seulement des compétences langagières à travers l’entraînement sur l’appropriation du vocabulaire littéraire formel, mais plutôt apprendre à développer des qualités réflexives lui procurant un retour sur soi et un développement d’une identité de lecteur, un exercice qui devrait se réaliser d’une façon à ce que l’élève soit capable d’élaborer des fiches de lecture comportant les différents éléments du texte à savoir les procédés littéraires, l’époque de l’auteur, le mouvement auquel le texte appartient, la stylistique et la description.

En effet, la lecture est une activité complexe demandant de la patience et de la motivation intérieure permettant l’introspection et le retour sur soi, ce qui peut encourager l’élève à persévérer dans son être et à avoir un sens de curiosité assez développé, et la motivation extérieure provenant de l’entouré, de la société et du type de l’écrit, pour cela le recours à la comparaison entre plusieurs œuvres des auteurs appartenant ou non à la même époque est souhaité.

Ecrire un résumé développe l’identité du lecteur:

En adoptant l’approche globale, l’élève reste claquemuré entre les contraintes des idées imposées par les questions de la compréhension globale à savoir (qui parle dans le texte ? A qui ? Pour quelle raison ? Une série de questions entravant la réflexion de l’élève qui devrait se mettre dans la peau du lecteur et devenir lui-même lecteur-acteur, c’est-à-dire un individu qui émet des hypothèses de lecture et qui peut imaginer une suite à l’histoire, ou même intervenir pour commenter, critiquer ou changer des détails paraissant indispensables à la continuité du texte.

Il importe de ne pas nier la place du livre dans la vie scolaire de l’apprenant, c’est un bon compagnon qui procure un lieu d’échange, de dialogue et de confrontation dont celui-là a besoin pour construire son identité, remettre en place sa perception du monde et grandir à travers le savoir qu’il en détient, c’est une grotte de réflexions, un miroir reflétant toute une vie, un effort colossal que les écrivains fournissent pour éclairer la lanterne des lecteurs.

La contrainte institutionnelle:

Faute de temps et de moyens, l’institution impose des normes qui sont en défaveur de la formation du sujet-lecteur, l’enseignant est censé terminer le programme à temps, l’enveloppe horaire n’est pas suffisante pour méditer, construire et réfléchir sur l’intention de l’auteur, le seul remède à la lecture, c’est l’adoption de l’approche globale, facile à appréhender au premier abord et économique en termes d’effort, de formation et de temps, bien que la méthode analytique que l’ancien système suivait, ait donné autant d’ampleur à l’analyse littéraire, le choix des contenus se penchait sur la philosophie, et l’esprit critique, la méthode de travailler le résumé du texte était différente, elle privilégiait la démarche des mots clés et les variables autour desquelles le texte se construisait, l’élève bondissait d’un contenu à l’autre d’une manière à ce qu’il laisse sa trace, sa réflexion de lecture-subjectif vivant et capable de produire un résumé enchaîné et pertinent en ayant conscience de la cohérence et la cohésion du texte, le contenu littéraire était un terrain fécond où l’on travaillait les compétences langagières, socioculturelles, et tout type de savoir « savant, faire, vivre, être ,analysé… ».

Conclusion

Le plus agréable dans la lecture, c’est de circuler d’une posture à l’autre, d’interpréter un contenu selon une perception qu’un lecteur peut adopter, en vue de considérer le texte tel une machine produisant des mondes possibles parfois meilleurs.

Référence bibliographique

Langlade, G. & Fourtanier, M.-J. (2007). « La question du sujet lecteur en didactique de la lecture littéraire ». Dans É. Falardeau, C. Fisher, C. Simard & N. Sorin (Éd.), La didactique du français. Les voies actuelles de la recherche. (p. 101-123). Québec : PUL.

Umberto Eco, 1979, Lector in fabula

Umberto Eco, 1962, L’œuvre ouverte