On le voit, malgré des techniques avancées de statistiques, il est difficile de prévoir le résultat d’une élection nationale ; plusieurs instituts en ayant fait les frais du moins durant ces dernières décennies ; avec le dernier exemple en date de l’élection américaine, où la quasi-totalité des sondages prévoyaient à tort la prophétique avalanche bleue.
Au départ, le principe statistique de l’échantillon représentatif qu’un certain George Gallup, statisticien et sociologue américain, eut l’idée d’utiliser lors de l’élection outre-Atlantique de 1936, prédisant la réélection de Franklin Roosevelt tout en démentant tous les pronostics qui donnaient gagnant son adversaire Landon.
Sa démarche n’était pas nouvelle, la technique si, puisqu’à l’époque la revue Literary Digest fait figure de référence dans les enquêtes pré-électorales avec son « vote de paille » effectué par téléphone auprès de plusieurs millions de personnes, une technique de sondage qui remonte au XIXe siècle.
Grâce à son introduction de l’échantillon représentatif, l’Institut de l’opinion publique de Gallup ouvrit donc la voie à l’ère du sondage politique, et aujourd’hui encore des entreprises spécialisées tirent l’essentiel de leur notoriété de ces opérations, en dépit du fait que l’essentiel de leur activité se concentre sur les études marketing liées au secteur privé.
Avec l’essor de la communication politique depuis les années soixante, les sondages électoraux explosent de manière exponentielle avec logiquement un poids croissant dans les débats lors des campagnes, ce qui poussa la majorité des pays à légiférer en la matière.
Au-delà de la fiabilité de l’outil, les critiques ne datent pas d’hier, et déjà au milieu du vingtième siècle le sociologue français Jean Stoetzel mettait en garde contre le caractère parfois abusif de l’enquête d’opinion.
Il est par ailleurs un problème plus grave posé du fait de l’impartialité que sous-tend la logique économique des entreprises de sondages et marketing, surtout eu égard à l’opacité des financements liées à leurs activités qui de facto peuvent participer à influer sur l’opinion.
Les sondeurs étant foncièrement liés à leur client donneur d’ordre, l’on peut se demander si la fidélisation de leur portefeuille peut-elle constituer un facteur déterminant dans l’orientation de l’outil statistique à des fins de persuasion ?
L’exemple récent des médias américains, dont nous savons la relation conflictuelle de la majorité d’entre eux avec l’actuel locataire de la maison blanche, est en ce sens révélateur de l’utilisation surdimensionnée des sondages et prévision prenant plus des airs de règlements de compte loin d’une analyse politique réaliste et factuelle.
Cette instrumentalisation à outrance de prévisions souvent présentées avec force et conviction, quelque soit par ailleurs leur justesse, devrait pousser à un meilleur encadrement en la matière avec pour finalité de laisser les électeurs exercer le plus objectivement et souverainement possible leur droit de participation électorale.