Les Hlayqis, victimes collatérales de la pandémie et… de l’insouciance

Marrakech, l’une des destinations touristiques les plus prisées au monde, subit de plein fouet l’arrêt brutal de son activité principale, le tourisme.

L’un des côtés les moins visibles médiatiquement, avec cette nette impression d’impuissance et de laisser-aller, est celui des activités culturelles périphériques ; et dont l’exemple le plus révélateur est celui d’une place classée depuis 1985 au patrimoine culturel immatériel par l’UNESCO.

Cette place de la perdition (Jemaa el-Fna – جامع الفناء), où depuis plusieurs siècles se perdent les tourments et les difficultés et où se perpétue une tradition du conte populaire marocain, fait la fierté de nos arts du spectacle tout en inspirant plusieurs dramaturges nationaux.

Ce lieu dépositaire de l’art de la Halqa, art célébré dans plusieurs festivals nationaux et internationaux, est en perdition et ses troubadours et poètes que l’on dirait d’un autre âge, détenteurs d’un pan de notre tradition orale, voient leurs tourments s’accentuer…

Ils étaient là il y a quelques jours face à quelques journalistes sur leur lieu habituellement animé et aujourd’hui déserté, criant leur désespoir face à une situation qui s’éternise et dont les autorités concernées, ministère de tutelle, celui du tourisme, les élus régionaux et locaux, peinent à apporter une solution.

Ces Hlayqis -NOS conteurs- parfois méprisés il y a quelques décennies, et qui grâce à une tradition maintenue bon gré mal gré ont su se faire une place dans notre patrimoine culturel, figurent parmi la longue liste des oubliés d’une gestion de crise à bien des égards défaillante.

Aujourd’hui, quelques-uns de ces gardiens de notre mémoire collective n’usent plus de leur lyrisme habituel ; n’ayant plus le loisir de leur prose vu un quotidien dramatiquement terne et morose.

Au milieu de considérations de survie, un assourdissant silence remplace ces histoires ancestrales et ces allégories imaginaires ou réelles, contées et racontées qui firent ainsi le bonheur des badauds avec une certaine liberté de ton qui manie avec habileté nos habituels maux.

Pour ces fugaces moments de bonheur, nous sommes leurs débiteurs, et quoiqu’on en dise ou pense, leur travail est incontestablement un crédit supplémentaire à nos arts populaires.

Cette crise est certes difficile et inédite mais elle appelle à une réponse transversale, où la coordination entre les différentes administrations et autorités concernées est plus que jamais nécessaire ; auquel cas nos artistes populaires resteront parmi les nombreux dommages collatéraux.