Le 15 octobre 2020, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille a remis au Maroc représenté par le consul général marocain accrédité à la Cité phocéenne, environ trois tonnes soit 24.459 pièces archéologiques « rares ».
Ce lot exceptionnel est le fait de trois saisies effectuées par les douanes françaises d’Arles et de Perpignan entre novembre 2005 et novembre 2006, et comporte des objets datant pour certains de plusieurs millions d’années et provenant essentiellement des sites pré-sahariens et de l’anti-Atlas marocains.
Sans lister la composition des ces milliers de pièces et leur importance scientifique, l’on peut légitimement se demander quelle est l’ampleur du trafic lié à notre patrimoine mobilier si seulement trois saisies en à peine une année ont permis de restituer ces pièces inestimables.
Y-a-t-il une stratégie nationale de lutte contre ces contrebandiers de nos richesses patrimoniales ? et ces derniers ont-ils été inculpés par les autorités marocaines ?
Au-delà des déclarations de circonstance faisant l’éloge des efforts des autorités, à leur tête le ministère de la culture et les douanes, ainsi que les engagements internationaux du Maroc en la matière, l’information passe pratiquement inaperçue.
Il faut dire qu’en termes de « stratégie », le projet de loi 52.13 sur la conservation, la protection et la mise en valeur la du patrimoine culturel stipule dans son article premier qu’il « a pour objet de définir l’ensemble des biens culturels, déclinés dans la présente loi sous les vocables de patrimoine national culturel, d’édicter les règles générales de leur protection, préservation, sauvegarde et valorisation et d’en fixer les conditions de mise en œuvre ».
Ce texte législatif visant à remplacer les lois précédentes, la loi n° 1-80-341 de 1980 modifiée en 2005 (loi n° 19-05), est toujours dans les tiroirs ; ce qui prouve encore une fois que le fameux plan d’action du Ministère, initié officiellement en 2008, est toujours à la phase planification en l’absence de concrétisation.
Entretemps, au minimum des milliers de biens culturels dits « mobiliers » selon la terminologie officielle, continuent leur mobilité vers d’autres cieux ; un pillage de notre patrimoine dont certainement nous ne voyons que la phase immergée de l’iceberg, en l’absence de chiffres officiels ou d’une quelconque réelle stratégie.
Pis, le Fonds National de l’action culturelle relevant du département marocain de la culture, et qui sert entre autres à alimenter la fameuse subvention aux arts, tire une part non négligeable de ses revenus justement de ces biens aujourd’hui la cible d’ambitions mercantiles et peu scrupuleuses, preuve en est son incapacité à les protéger efficacement.
Après la fuite des cerveaux, voici une nouvelle tare que l’on découvre, celle d’un patrimoine que des gens malintentionnés estiment juteux; avec pour effet un effacement progressif de certaines traces archéologiques de notre histoire nationale.