GUERRE DES PÉTITIONS. L’AUTRE SON DE CLOCHE.

Il faut d’emblée préciser que je n’ai pu avoir loisir de lire aucun des deux pétitions qui, depuis quelques jours, se font la guerre autour des libertés démocratiques au Maroc. En jugeant d’après les extraits que j’ai pu lire dans les médias, « le Manifeste des 400 » signataires, à mon sens, réclame une démocratie immédiate sans prélude ni transition. Il y dénonce même ce qui serait des travers de l’absence de la liberté sous toutes ses formes. On y entrevoit des reliques encore actives d’une situation politique et sociale que l’on a à juste titre qualifiée d’années de plomb et que beaucoup de citoyens marocains pensent avoir été pour de bon enterrées, cependant pas complètement.

La Pétition des 670 se positionne dans le camp adverse, celui du relativisme. Elle dénie aux signataires du « Manifeste des 400 » la représentativité de l’opinion publique et prétend remettre les choses dans leur contexte et selon la loi de la proportionnalité que la situation exige. Autrement dit, ses signataires pensent qu’il y a lieu de faire la part de ce qui a évolué et de ce qui est en cours d’évoluer en fonction d’une réalité qu’il ne faudrait en aucun cas sous-estimer. Bref, ils regardent le processus et non le résultat final recherché. Celui-ci, penseraient-ils, est certes inéluctable, cependant il est tributaire du temps et de l’évolution de beaucoup de facteurs dont les mentalités.

Lapidairement on peut affirmer que les premiers ont la conviction ferme que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Une démocratie totale, intégrale et réelle et non sur le papier. Des faits pas des slogans.

A mon avis, même si les deux courants se montrent en contraste l’un de l’autre, ils expriment une réalité que nul n’ignore à moins de vouloir se cacher derrière son doigt. Ils montrent la même évaluation du jeu politique en évolution depuis plusieurs décennies. La phase actuelle de la situation politique et sociale et surtout sur le plan des libertés peut être figurée par l’image de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide. Les anciennes générations voient plus la partie pleine car ils en réfèrent au passé et les générations présentes piaffent d’arriver au stade atteint par les vieilles démocraties occidentales.

Ne vaudrait-il pas mieux avoir la bouteille pleine et que chacun prenne ses responsabilités et d’abord les institutions du pays. Tergiverser dans la marche vers ses objectifs, c’est accumuler les tares sociales et les préjugés pernicieux qui desservent la société et retardent l’accomplissement de son destin politique et servent les opportunistes, les faux patriotes et toute la vermine qui faussement se prévale de la défense de l’intérêt général. Et tous ceux qui usent et abusent de cette situation, qui se plie à toutes les volontés méprisables, sous le spécieux prétexte de vouloir préserver l’ordre dans toutes ses dimensions. Au nom d’un ordre qui n’est guère un ordre on passe l’éponge sur des méfaits, on tolère des abus et même la misère matérielle et surtout intellectuelle. La démocratie s’initie et s’exerce par l’établissement de la responsabilité et la responsabilisation de tous collectivement et de chacun individuellement.