
Par: Mohamed KHOUKHCHANI

La scène politique marocaine traverse une crise profonde, nourrie par une interaction complexe entre les contraintes institutionnelles, la fragmentation excessive du champ partisan et les faiblesses internes des partis eux-mêmes. Cette analyse tente de décrypter les causes majeures de cette crise et les perspectives possibles de renouvellement.
1. Un système institutionnel contraignant
Les politologues, dont Mohamed Tozy, décrivent le système politique marocain comme un pluripartisme contrôlé où le Roi conserve un rôle central. Cette prééminence limite la marge d’action réelle des partis, même lorsqu’ils dirigent le gouvernement. À cela s’ajoute l’influence persistante du ministère de l’Intérieur et d’une administration territoriale très puissante.
2. Une fragmentation excessive du champ partisan
Avec plus de 30 partis, le système politique marocain souffre d’une dispersion qui affaiblit les grandes formations et empêche l’émergence d’alternances politiques nettes. Cette prolifération favorise un paysage éclaté, où les alliances deviennent davantage techniques qu’idéologiques.
3. Une crise interne profonde des partis
Au-delà des contraintes structurelles, les partis souffrent de maux internes graves :
– Une crise de confiance : les citoyens considèrent souvent les partis comme des coquilles vides, n’apparaissant qu’à l’approche des élections.
– Une confusion idéologique : dans la quête du consensus, les partis ont dilué leurs identités doctrinales.
– Une direction oligarchique : les mêmes élites monopolisent les postes de décision, freinant l’émergence de nouvelles compétences.
– La corruption électorale : l’argent continue de jouer un rôle déterminant dans les campagnes électorales, minant la légitimité du processus.
4. La crise du courant progressiste
La gauche marocaine, notamment l’USFP et le PPS, subit un affaiblissement sévère dû à plusieurs facteurs, dont :
– l’usure provoquée par la participation à plusieurs gouvernements,
– la perte de lien avec les mouvements sociaux,
– la difficulté à incarner un véritable projet progressiste.
Les élections de 2021 ont confirmé ce recul, malgré un léger redressement du PPS.
5. L’effet des élections de 2021
L’effondrement historique du PJD, passant de 125 à 13 sièges, a marqué un tournant politique majeur. Ce déclassement brutal a nourri l’idée que la marge d’autonomie des partis reste limitée et que les recompositions majeures peuvent s’opérer de manière rapide et inattendue.
6. Pour un renouveau partisan crédible
Pour regagner la confiance des citoyens, les partis doivent engager des réformes profondes :
– démocratisation interne et rotation des élites,
– transparence financière totale,
– renaissance d’un véritable travail idéologique,
– intégration des jeunes dans les postes de responsabilité,
– présence effective sur le terrain, et non uniquement pendant les campagnes électorales.
Conclusion
La crise des partis politiques au Maroc est un phénomène hybride, mêlant contraintes institutionnelles fortes et faillites organisationnelles internes. Le renouveau politique reste possible mais nécessite une révolution interne fondée sur la transparence, la compétence et l’engagement citoyen.

