
On en sait un peu plus sur l’explosion inédite du budget défense de l’Algérie. La loi de finances 2026 prévoit un budget militaire record de 25 milliards de dollars, soit près de 20% du budget national. Une fuite d’informations provenant du conglomérat d’État russe pour la défense, Rostec, fait état de deux gros contrats distincts : l’un de 176 millions de dollars pour des équipements de guerre électronique destinés aux Sukhoi-34, et l’autre de 239 millions de dollars pour l’achat de kits avioniques complets pour les chasseurs Sukhoi-57, des avions de cinquième génération considérés comme parmi les plus avancés de l’arsenal russe.
La fuite révèle aussi un gros contrat entre la Russie et l’Iran pour la fourniture à cette dernière, d’ici à 2028, de 48 avions Sukhoi-35 équipés de systèmes avioniques et de guerre électronique de dernière génération, pour un montant d’environ 589 millions d’euros (635 millions de dollars).
Cette fuite opérée par le collectif de hackers Black Mirror et révélée par le site d’opposition russe The Insider, comprendrait plus de 300 documents classifiés, dont beaucoup concernent des contrats avec des pays soumis à des sanctions occidentales. « Les documents décrivent les mécanismes de paiement, les clauses de livraison et les accords tarifaires pour une valeur de centaines de millions de dollars », fait constater le journaliste et essayiste suisse dans un article publié dans le magazine italien Panorama sous le titre révélateur: « Russie, Iran, Algérie: le triangle militaire qui inquiète l’Occident ».
Menaces sur la Méditerranée occidentale et orientale
Selon M. Piazza, ce big deal conclu entre la Russie et l’Algérie, d’un côté, et la Russie et l’Iran, de l’autre, représenterait une véritable menace pour la stabilité à la fois de la Méditerranée occidentale et de la Méditerranée orientale. « Sur le plan géopolitique, l’accord pourrait avoir des conséquences importantes pour la sécurité régionale. Israël observe avec une inquiétude croissante la perspective d’un Iran doté de chasseurs de nouvelle génération capables d’étendre leur rayon d’action jusqu’à la Méditerranée orientale. L’Europe et l’OTAN, engagées dans la limitation de l’influence russe en Afrique du Nord, observent également avec une attention croissante la coopération entre Moscou et Alger, qui risque de modifier l’équilibre aérien dans le bassin méditerranéen », rapporte l’auteur de l’article, expert en terrorisme frontalier.
Côté Iran, l’acquisition de 48 avions Sukhoi-35 représenterait pour Téhéran un gros bond en avant dans la modernisation de son aviation, qui dépend encore largement de modèles obsolètes tels que le F-14 Tomcat, le F-4 Phantom et le MiG-29. Côté Algérie, la réception de 12 Sukhoi-57 en ferait « le premier pays africain à disposer de chasseurs de cinquième génération, renforçant ainsi son avantage stratégique sur le Maroc, son rival historique dans la région », prévient l’expert suisse, notant que « les relations militaires entre Moscou et Alger, déjà étroites depuis des décennies, se seraient encore intensifiées après l’invasion russe de l’Ukraine, dans un contexte d’isolement international de la Fédération ».
L’acquisition par Alger des Sukhoi-57 compromettrait la capacité de dissuasion du Maroc
La décision de Moscou de livrer 12 Sukhoi-57 à Alger susciterait « une forte inquiétude au Maroc, où le renforcement de la puissance aérienne algérienne est perçu comme une menace directe pour la stabilité régionale », indique l’expert suisse. « Rabat craint en effet que le nouvel équilibre stratégique ne compromette sa capacité de dissuasion, en particulier le long de la frontière contestée du Sahara occidental », explique-t-il.
« En réponse, le Royaume envisagerait d’acheter un lot de F-35, les chasseurs de cinquième génération produits par l’américain Lockheed Martin, dans le cadre d’un accord stratégique avec Washington visant à contrebalancer la montée en puissance militaire d’Alger, qui ne fait rien pour ne pas irriter et menacer Rabat », rappelle-t-il.
Même tonalité relevée en Europe et au sein de l’OTAN.
« L’Europe et l’OTAN, engagées dans la limitation de l’influence russe en Afrique du Nord, observent également avec une attention croissante la coopération entre Moscou et Alger, qui risque de modifier l’équilibre aérien dans le bassin méditerranéen », note M. Piazza.
Et de conclure d’un ton alerte: « La triangulation Russie-Iran-Algérie, si elle se confirme, représenterait un pas supplémentaire vers la formation d’un bloc militaire alternatif au système occidental, fondé sur des intérêts convergents et sur l’érosion progressive du régime des sanctions ».





