
Par: Marco BARATTO ★

À Jumilla, petite ville de la région de Murcie, une mesure a été adoptée interdisant aux musulmans d’utiliser les espaces publics pour célébrer les fêtes religieuses de l’Eid. La décision, proposée par le Parti Populaire et soutenue par Vox, intervient quelques semaines seulement après des émeutes anti-migrants à Torre Pacheco, à soixante-dix milles de là, déclenchées à la suite d’une agression attribuée à trois hommes d’origine marocaine.
La formulation du texte interdit l’utilisation des gymnases, centres civiques et autres structures pour des «activités religieuses, culturelles ou sociales étrangères à notre identité», sauf si elles sont officiellement organisées par le conseil municipal. Mais le message politique qui se cache derrière ces mots est tout sauf neutre : pour de nombreux observateurs, il s’agit d’une attaque directe contre les traditions islamiques et contre un principe fondamental de la Constitution espagnole — la liberté de religion.
Sans surprise, le parti Vox a célébré la mesure sur les réseaux sociaux, déclarant : « Grâce à Vox, la première mesure interdisant les fêtes islamiques dans les espaces publics espagnols a été adoptée. L’Espagne est et sera toujours la terre des chrétiens. ».
Ces paroles résonnent comme un signal d’alarme. Car l’Espagne fut aussi la terre de l’Andalousie musulmane, carrefour de savoirs, de coexistence et de tolérance entre musulmans, chrétiens et juifs. C’est précisément l’usage politique de la religion catholique qui, dans les siècles passés, a effacé cet héritage : d’abord en expulsant les musulmans, puis en persécutant et expulsant les juifs.
Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter sous de nouvelles formes. Des mouvements politiques qui se proclament « défenseurs de la chrétienté » utilisent en réalité le nom du Christ comme outil de division, de discrimination et de peur.
En tant que chrétien, je ne peux qu’avoir honte de voir ma foi réduite à un étendard de combat contre d’autres enfants de Dieu. Le Christ n’appartient pas à un parti. L’Évangile n’est pas un manifeste politique d’exclusion. Il faut réagir, et il faut le faire maintenant. Il ne suffit pas de s’indigner en paroles : il est temps de lancer une grande initiative européenne qui unisse chrétiens, musulmans et juifs contre toute forme de suprémacisme religieux et de racisme. Un front commun pour réaffirmer que les religions — toutes — sont nées pour rapprocher, non pour diviser. Quatre-vingts ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous ne pouvons pas rester indifférents face au retour d’un suprémacisme qui, sous prétexte de défendre la tradition, reprend les logiques d’exclusion déjà vues dans les pages les plus sombres de l’histoire du continent. La mémoire n’est pas un exercice rhétorique : c’est un devoir. Si nous n’agissons pas ensemble aujourd’hui, nous risquons de nous retrouver demain à regarder en arrière et à nous demander, une fois de plus : comment avons-nous pu laisser faire ?
★Marco Baratto, essayiste italien, auteur du livre « Le défi de l’Islam en Italie »





