Par Othmane WARDI *
Depuis plusieurs mois, la scène politique marocaine semble s’enliser dans une dynamique où le pouvoir et la gouvernance vacillent sous le poids d’une nécropolitique, où les mécanismes de contrôle et d’exclusion sociale se multiplient, intensifiant les inégalités et l’injustice, comme si la survie des masses n’était plus qu’une simple variable d’ajustement dans un système politique dévoyé, où l’urgence du pouvoir se mesure non pas à l’amélioration des conditions de vie, mais à la perpétuation de l’ordre établi, quoi qu’il en coûte. Entre la crise économique persistante et l’opacité des partis politiques gouvernants, une question s’impose : qui contrôle vraiment la trajectoire du Maroc ?
La coalition tripartite actuelle, composée du Rassemblement national des indépendants (RNI), du Parti authenticité et modernité (PAM) et du Parti de l’Istiqlal (PI), peine à convaincre. Les promesses électorales de réforme et de justice sociale semblent s’évaporer face à une réalité marquée par l’immobilisme, la censure et la déconnexion des élites. Le Chef du gouvernement Aziz Akhannouch, souvent critiqué pour son profil d’homme d’affaires avant tout, symbolise cette alliance controversée entre l’argent et le pouvoir. Une situation que certains qualifient de modernité fragilisée, où la biopolitique cède progressivement la place à un thanatopouvoir pernicieux. Cette dynamique est également exacerbée par l’approche idiosyncrasique de l’homme (a)politique, dont les choix et décisions semblent davantage animés par des logiques de la déraison que par un véritable projet collectif.
La tentation du contrôle « ou gouverner via le contrôle », une idée récemment mise en avant par Abdel-Ilah Benkiran, leader du Parti de la justice et du développement (PJD), bien que bon nombre de ses idées suscitent le désaccord, révèle une réalité qui met en lumière une rupture profonde dans le contrat social. Ce n’est pas seulement le peuple qui endure la pauvreté et la hausse des prix des matières premières ; c’est l’État de droit lui-même qui vacille, miné par l’inefficacité et l’absence de volonté politique. Pris entre le détournement des ressources publiques et l’accumulation du capital, l’exercice du pouvoir semble de plus en plus éloigné des préoccupations populaires.
Sous un vent de défaite, les Marocains se heurtent à une censure sévère et à des mécanismes de domination et de pouvoir autocratique déchaîné, tandis que créateurs de contenu et activistes sont réduits au silence, muselés par un système totalitaire en quête de contrôle absolu. Dans ce contexte, l’autorité disciplinaire, au cœur de ce système, articule des pratiques de contrôle, de surveillance et de punition qui ne se contentent pas de construire des sujets assujettis, mais produisent, de manière encore plus profonde, des normes constitutives du social. Ce système vise à redéfinir non seulement la gouvernance, mais aussi les valeurs et les pratiques qui sous-tendent la société, imposant une uniformité qui asphyxie la diversité des voix et des aspirations.
Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice et des Libertés, incarne quant à lui une ligne politique controversée. Ses déclarations polémiques et ses critiques à peine voilées contre les symboles de l’unité nationale alimentent une ambiance de tensions sociales et politiques. Les insultes publiques qu’il a proférées envers certains citoyens marocains révèlent une fracture entre les gouvernants et le peuple.
Cette impasse appelle une intervention corrective urgente. Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Commandeur des croyants, est le garant de l’unité et de la stabilité du Royaume, pourrait s’imposer comme l’arbitre ultime dans une conjoncture où l’ambiguïté politique menace de faire dérailler le projet national. La dialectique de la corruption au Maroc s’oppose aux principes de la bonne gouvernance, qui se présente comme une nouvelle approche, vision et philosophie du développement adoptée par les institutions étatiques pour instaurer la responsabilité, la transparence, ainsi que l’efficacité et l’efficience. Des mesures telles que la responsabilisation effective des élus, la lutte résolue contre la corruption et la réforme des institutions politiques sont indispensables pour éviter une dérive irréversible.
Pour l’heure, la question reste ouverte : le Maroc peut-il sortir de cette crise de contrôle sans une remise en cause profonde des liens incestueux entre argent, pouvoir et politique ? L’avenir du Royaume, dans une modernité plus inclusive et transparente, dépendra largement de la volonté des élites de repenser leur rapport au peuple et à l’héritage national.
*Chercheur en Sociologie et philosophie politique