Par: Marco BARATTO
Le 10 novembre 2005, j’ai tenu à Pavie ma première conférence publique sur le Maroc, pays que je suivais déjà depuis cinq ans et que, depuis, je n’ai cessé d’observer avec curiosité, passion et profond respect. Aujourd’hui, après vingt ans d’études et vingt-cinq ans de recherche globale, je peux revenir sur ce long cheminement avec l’envie de faire le point. C’est un bilan personnel, bien sûr, mais aussi une manière de réfléchir sur le chemin parcouru par le Maroc, en se transformant sans jamais en nier l’essence.
Le Maroc que j’ai rencontré au début de mon parcours intellectuel était déjà une terre de contrastes fascinants : tradition et modernité, spiritualité et pragmatisme, racines profondes et élan vers l’avenir. Au fil des années, j’ai été témoin d’un changement que je n’hésite pas à qualifier de «Révolution dans la tradition».
Cette expression, que j’ai inventée pour résumer ma perception du Maroc, décrit un processus unique : un pays qui se modernise et devient compétitif à l’échelle mondiale, mais sans jamais rompre le lien avec sa culture, ses traditions et une expérience de vie religieuse qui résiste, reconnu pour son ouverture et sa tolérance.
L’une des premières choses qui frappe ceux qui étudient le Maroc est sa capacité à se transformer tout en maintenant un équilibre entre l’ancien et le nouveau. Ce processus s’est intensifié sous le règne de Mohammed VI, amorcé en 1999.
L’un des premiers signes de changement a été le renouvellement du Code de la famille, la Moudawana. Parallèlement, le pays a investi dans des infrastructures modernes, comme le port de Tanger Med, inauguré en 2007 et qui est aujourd’hui devenu l’un des pôles commerciaux les plus importants de la Méditerranée et de l’Afrique. Mais il n’y a pas que dans le domaine des infrastructures que le Maroc a démontré son dynamisme. L’engagement en faveur de l’environnement et des énergies renouvelables, avec le mégaprojet solaire de Ouarzazate, a placé le pays à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique. Avec le recul, on voit clairement à quel point ces choix ont projeté le Maroc dans une dimension de modernité.
Ce qui rend le Maroc unique, cependant, c’est sa capacité à innover sans perdre le lien avec son identité culturelle et religieuse. Dans un monde où la mondialisation égalise souvent les différences, le Maroc se distingue par son authenticité. La spiritualité marocaine, enracinée dans l’école juridique malékite et influencée par le soufisme, a conservé un visage ouvert et tolérant. Cela se voit dans le rôle de la monarchie, qui dans le Maroc moderne, est non seulement une institution politique, mais aussi une référence religieuse. Le roi, Amir al-Mu’minin (Commandant des croyants). Le Roi du Maroc et la Monarchie sont pour moi un point de référence, une étoile directrice pour comprendre cette nation.
Le Maroc est devenu un modèle de dialogue interreligieux, un aspect que j’ai exploré dans mes études et qui continue de m’impressionner. Dans une époque marquée par des conflits identitaires et religieux, le pays a démontré qu’il est possible de concilier foi, tradition et ouverture à la diversité.
Ma relation avec le Maroc a été, au cours de ces vingt-cinq années, une découverte continue. Chaque voyage, chaque rencontre, chaque livre lu m’a permis d’enrichir ma vision de ce pays extraordinaire. La conférence de Pavie en 2005 a été un moment symbolique : la première étape d’un chemin de diffusion qui m’a amené à parler du Maroc à un public toujours plus nombreux. Ces dernières années, j’ai tenté de décrire un Maroc qui échappe souvent aux stéréotypes. Non seulement ses beautés naturelles et architecturales, mais aussi ses complexités sociales, ses contradictions et ses impulsions. J’ai vu grandir l’intérêt du public, notamment en Italie, pour un pays de plus en plus présent dans notre imaginaire collectif, grâce aussi au tourisme et aux échanges.
À l’avenir, le Maroc sera confronté à des défis importants. Le chômage des jeunes, les inégalités régionales et l’augmentation du coût de la vie sont des problèmes qui nécessitent des réponses concrètes. Sur le plan international, le Maroc est devenu un acteur clé en Afrique et en Méditerranée, mais ce rôle entraîne également des responsabilités et des pressions.
Ce qui me rend optimiste, c’est la résilience du peuple marocain et la capacité du pays à se réinventer sans trahir son essence. La «Révolution dans la tradition » se poursuit et je suis sûr que le Maroc saura trouver de nouvelles voies de croissance, en restant un exemple d’équilibre entre le passé.
Après vingt années d’études et vingt-cinq de recherches, ma relation avec le Maroc est loin d’être terminée. Chaque fois que je retourne dans ce pays, je retrouve quelque chose de familier et je découvre quelque chose de nouveau. Son énergie, son accueil et sa capacité à surprendre sont des qualités.
Le bilan de ce voyage est, pour moi, une invitation à regarder vers l’avant. J’ai parlé du Maroc avec des mots, mais il est peut-être temps de le faire.