Fouzia ELBAYED*
Le terme industrie culturelle met en relation deux notions qui, jadis, avaient vocation à s’exclure mutuellement. En effet, industrie et culture appartenaient à deux démarches foncièrement différentes : le monde de la production matérielle, n’ayant eu jusqu’au XX° siècle que peu de rapport avec le monde de la production intellectuelle, culturelle et artistique.
En tant que valeur d’usage, le bien culturel répond à un besoin et peut donner lieu à un prix de marché. En tant que valeur symbolique, il réaffirme des valeurs ou discrédite des certitudes ; il établit des visions du monde, en même temps qu’il modèle les comportements et stimule l’imaginaire. De plus en plus, la composante valeur culturelle intervient dans les grandes discussions politiques et économiques à l’échelle internationale et fait partie des modes de comportement allant jusqu’à influencer le processus de décision.
Les arts et la culture sont aujourd’hui évoqués comme les déterminants majeurs de la qualité de la vie et de l’attractivité des territoires, ouvrant ainsi un champ d’activités considérable aux artistes et aux professionnels de la culture. Pour l’UNESCO, la nature du contenu prévaut dans la définition des différentes branches: la notion d’industrie culturelle renvoie à « la création et la diffusion de contenus créatifs, de produits ou de services qui incarnent ou transmettent des expressions culturelles, indépendamment de la valeur commerciale qu’ils peuvent avoir ».
Le secteur industries culturelles et créatives peut se définir d’abord comme étant le passage de l’œuvre au produit. Toutefois, plusieurs classifications ont été avancées pour définir ses composantes ; la plus connue et la plus synthétique est le DCMS britannique qui liste 12 branches : publicité, architecture, arts plastiques et antiquités, artisanat, design, mode, films et vidéo, performances ou arts vivants, édition, software, télévision et radio, jeux vidéos.
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont généré un modèle culturel nouveau, marqué par des mutations esthétiques qui se sont accélérés depuis la fin du dernier siècle et contribué à modifier les modalités de communication entre l’individu et la société. Ce changement peut, sous certaines conditions, aider à l’intégration et au lien social, à l’aménagement du territoire et à l’amélioration de la qualité de la vie en mobilisant des compétences et des procédures créatives.
Le cœur de la chaîne est constitué par les créateurs et interprètes (auteurs, compositeurs, et divers concepteurs de la création littéraire et artistique, musiciens, acteurs, danseurs, chanteurs,…) qui constituent le premier et le deuxième niveau; la troisième couche est celle concernant les métiers professionnels de la culture (producteurs, éditeurs, organisateurs, diffuseurs, ….) ; la quatrième couche est celle des fournisseurs de matériaux directement liés à l’activité artistique et utilisés par la première couche de la chaîne (instruments, outils et consommables artistiques) ; la cinquième couche concerne enfin le commerce de détail relié aux industries créatives.
Dans la logique de l’activité économique, les branches du secteur culturel seront tour à tour traversées par des filtres d’analyse comme des déterminants de la performance : les conditions de l’offre, les conditions de la demande, les industries de soutien, la structure du marché et les stratégies d’entreprise, ainsi que la politique publique envers chaque branche. La principale force de la culture marocaine réside à la fois dans son histoire et dans son ouverture sur les autres cultures. Les opportunités qui se présentent sont :
- Une génération de jeunes diplômés et de techniciens rôdés désormais aux nouvelles technologies et qui ne demande qu’à être associée à des projets créatifs.
- La profusion des moyens pourvus par les changements technologiques.
- L’augmentation du temps de loisir, et la hausse de l’espérance de vie.
- La prise de conscience envers la nécessité d’intégrer des activités artistiques dans la scolarité des enfants, chose que nous relevons aussi bien dans la charte nationale de l’enseignement que dans les différents colloques sur l’éducation artistique.
Le secteur des industries culturelles et créatives doit cependant faire face à plusieurs défis :
- La faiblesse des réglementations concernant le marché de l’art,
- Des produits dont le coût dépend d’abord des économies d’échelle,
- Une faible propension à l’innovation et une faible réponse aux défis du numérique,
- Le manque de synergie entre les acteurs de la vie culturelle,
- La faiblesse des circuits de distribution et de diffusion,
- La disparité entre les régions,
- La faiblesse et, dans certains cas, l’absence de formations adéquates aux métiers de la culture.
La question du développement des industries culturelles n’est pas dissociée du développement de la culture dans son ensemble. Elle touche à de nombreux chantiers et nécessite l’établissement d’un ensemble d’actions cohérentes et solidaires sur le plan de chaque branche comme sur le plan du secteur dans sa totalité.
Le partenariat public-privé est hautement nécessaire pour relever les défis posés aux industries culturelles et créatives. Le rôle de l’État est de définir une stratégie globale en impulsant une dynamique dans les domaines de la réglementation, de la formation, de l’aménagement du territoire, tout en code d’investissement adapté aux industries culturelles. Le rôle du secteur privé est de finaliser des projets fiables en termes de structures de production, de diffusion et d’évènementielles.
*Ecrivain, critique d’art et journaliste