Par: Sara Bouazza*
L’économie mondiale est de plus en plus hiérarchisée. Les fruits de la mondialisation ont été répartis de manière inégale, ce qui a conduit à une hétérogénéisation croissante du monde en voie de développement et on a pu relever le fait dès le début des années 70. Si les pays émergents ont su tirer profit de la mondialisation et ont pu bénéficier d’une croissance forte, les pays en voie de développement semblent être restés en marge et continuent à faire face à plusieurs problèmes structurels et conjoncturels. Ces derniers cherchent à prescrire une stratégie de développement fondée sur l’insertion rapide à l’économie mondiale en cherchant à drainer le maximum d’IDE, promouvoir les entreprises nationales et attirer l’aide publique à travers la mise en place, dans ces économies, des mesures permettant de remédier aux défaillances bloquant leur intégration à l’économie mondiale.
Aux côtés d’une complexe réalité politique, économique, sociale, sécuritaire, coexiste une réalité nouvelle, celle d’une Afrique qui affiche des taux de croissance très élevés. Une situation qui fait dire que le continent africain se trouverait en situation d’émergence.
En effet, l’attractivité économique de l’Afrique Subsaharienne a généré de nouvelles transformations d’ordre géopolitique et géoéconomique et a fait braquer le projecteur sur cette zone. D’une part, les puissances traditionnelles envisagent de consolider leurs parts dans la région. D’autre part, les pays émergents cherchent à devenir des acteurs économiques de premier plan en Afrique. Intéressés par la sécurisation des approvisionnements en matières premières et d’hydrocarbures et soucieux de nouer avec l’Afrique des partenariats politiques leur assurant une plus forte influence au sein de la Communauté internationale, les nouvelles puissances proposent des nouvelles formes de coopération et des nouvelles formules d’aide et d’assistance.
Les principaux outils de la quête d’influence en Afrique, demeurent le commerce, les investissements directs, l’aide, les transferts des diasporas.
La stratégie africaine du Maroc entre l’offensive des puissances émergentes et la persistance des partenaires traditionnels constitue un sujet intéressant dans la mesure où le Maroc cherche à se positionner en tant que partenaire et une plateforme d’investissement. Malgré le fait que la défense de l’intégrité territoriale du pays reste au cœur de cette stratégie, sa déclinaison dans le cadre d’une vision stratégique d’ensemble a permis au Maroc d’être considéré en tant que partenaire crédible pour la plupart des pays africains.
En outre, le Maroc se propose comme étant un allié stratégique pour le déploiement de la coopération Nord-Sud-Sud, en tant que partenaire engagé dans le cadre de la coopération tripartite et en tant qu’acteur de partage d’expériences et de développement des synergies. Le Royaume y est devenu un acteur important avec l’ambition de partager son expertise multisectorielle au service des pays et du développement humain en Afrique.
L’action diplomatique et économique du Maroc en Afrique subsaharienne est présente par la panoplie d’instruments mobilisés par le royaume du Maroc, pour transformer l’Afrique subsaharienne au mieux de ses intérêts, les ressources économiques et diplomatiques occupent une place prépondérante. En effet, le contexte hautement concurrentiel dans lequel se déroule cette action contraint le Maroc à s’arrimer à la rude compétition de puissance qui s’y déroule.
C’est du moins la recommandation faite par Christophe Alexandre Paillard aux États engagés dans le jeu de puissance en ces termes : « pour rester en course dans le monde économique actuel, il faut au minimum utiliser les mêmes outils et techniques que les autres concurrents ». Pour ce faire, le Maroc procède, depuis quelques années, à un important réajustement de son dispositif diplomatique et intensifie sa diplomatie économique dans cette partie du continent. Consacrant de ce fait l’ancrage de sa nouvelle politique africaine dans le champ de la théorie réaliste des relations internationales.
De même, Henri Kissinger disait que la puissance d’un Etat est étroitement liée à la personnalité de son chef, à la fois soldat et diplomate suprême, et seul juge de l’intérêt national. La prospérité économique, la vitalité sociologique ou la richesse culturelle d’un Etat apparaissent secondaires, seule compte la qualité de son leader.
L’étude du codéveloppement prend de plus en plus d’intérêt dans la mesure où une diplomatie économique efficace lui permet de créer une situation caractérisée par des échanges satisfaisants avec le reste du monde en vue de son intégration dans l’économie mondiale.
Le codéveloppement implique généralement la collaboration entre des partenaires de différents pays pour créer des projets économiques qui bénéficient à toutes les parties impliquées. Ces projets peuvent inclure des initiatives telles que le partage des connaissances techniques, le co-développement sportif, la formation professionnelle, la recherche et développement conjointe, la mise en place de chaînes d’approvisionnement et de distribution communes, la promotion du commerce équitable, la gestion des ressources naturelles, et bien d’autres encore.
Dans le cadre de l’intégration économique régionale, le codéveloppement peut contribuer à renforcer les liens économiques entre les pays participants, en créant des opportunités pour des investissements transfrontaliers, en encourageant la circulation des biens et des services entre les pays, et en facilitant l’échange de compétences et de connaissances. Et à réduire les écarts de développement économique entre les différents pays en favorisant une distribution plus équitable des ressources et des avantages économiques. Peut également favoriser le transfert de compétences et de connaissances entre les différents pays, en encourageant la collaboration entre les institutions académiques et de recherche, en permettant la formation professionnelle conjointe, et en favorisant le partage de bonnes pratiques et d’expériences. De même l’Initiative atlantique lancée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour favoriser l’accès des États du Sahel à l’Océan Atlantique ambitionne de faire de la zone afro-atlantique un espace de paix, de sécurité et de prospérité partagée.
La notion du codéveloppement suscite un intérêt particulier dans la mesure où elle se situe à l’intersection de préoccupations majeures des pays : politique de développement, intelligence économique, compétitivité de l’entreprise, délocalisation des firmes, géoéconomie et internationalisation des champions nationaux.
Dans cette perspective, le Maroc a entamé un large processus de libéralisation de son économie depuis l’adoption du Programme d’Ajustement Structurel (1983) en vue de réaliser à la fois sa croissance et la mise à niveau de son économie, dans l’objectif de rétablir les équilibres aussi bien économiques que financiers, intérieurs qu’extérieurs. Pour ce faire, le Maroc s’est doté, ces dernières années, d’une politique économique particulière sur un certain nombre d’axes : le premier est de conforter le cadre macro-économique et le second est d’insérer l’économie marocaine dans son environnement mondial et régional. Il s’agit du renforcement du cadre macro-économique et de la définition des plans d’actions nationaux qui n’est pas toujours perçue de manière positive.
De grands chantiers de développement et des stratégies sectorielles qui cherchent à donner une visibilité claire aux opérateurs marocains et étrangers ont été lancés (Projet de Tanger Med, Vision 2010 pour le tourisme, Plan Azur,Emergence, Plan Maroc Vert, Plan Halieutis, Vision 2015 de l’Artisanat, Vision 2030 pour le développement durable, Maroc Numeric pour les TIC, Maroc Export Plus et la stratégie énergétique du Maroc…) .
Ainsi, le Maroc mise de plus en plus sur sa diplomatie économique pour réussir le pari de son insertion dans l’économie mondiale. Occupant une place désormais stratégique et membre de plusieurs organisations internationales, le pays multiplie la conclusion des accords de libre-échange et adopte une stratégie active, visant à diversifier ses partenaires, promouvoir l’attrait des investissements extérieurs et défendre ses intérêts économiques. En effet, la stratégie de la coopération sud-sud est considérée comme étant un équilibre d’intérêts et de pressions.
L’objectif de soutenir le développement économique du pays doit trouver un équilibre entre les différents aspects qui y sont associés: attirer des investissements étrangers, soutenir les activités d’investissements marocains à travers le monde, promouvoir les exportations marocaines, maintenir une relation stable avec les grandes puissances en adoptant une diplomatie des contrats, contribuer à la stabilité régionale et assumer les responsabilités qui découlent du poids croissant du Maroc sur la scène régionale.
Cependant, le Maroc s’attarde à tirer bénéfice des différentes stratégies développées. L’économie marocaine est de plus en plus touchée par une crise de liquidité sans précédent. Le solde extérieur se dégrade et la balance commerciale du pays est systématiquement déficitaire avec l’ensemble de ses partenaires. Les sources de rentrées de devises dans le pays comme les exportations, les IDE, les recettes du tourisme ou les transferts MRE sont modestes, ne comblent plus les dépenses. S’ajoute à cette situation critique, la flambée des prix des matières premières importées par le Maroc et des accords de libre-échange déséquilibrés qui profitent plus à ses partenaires commerciaux qu’au tissu productif du pays.
*Docteure en sciences politiques et droit international – Professeure vacataire de droit international.