La crise entre Niamey et Abuja sonne la fin du « Trans-saharien Nigeria-Algérie » et renforce le projet de gazoduc Nigeria-Maroc (décryptage)

Le projet de gazoduc Nigeria-Niger-Algérie (Nigal) – ou « Trans-saharien » (TSGP, pour Trans-Saharian Gas-Pipeline), « s’effondre« . Le constat, établi par la très sérieuse publication allemande spécialisée « Pipeline Journal », est sans appel. Niamey, passage obligé pour le gaz nigérien en Algérie, est en rupture de ban avec le Nigeria et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont le Nigeria est l’un des pays fondateurs et influents.

Le 28 janvier 2024, les autorités militaires au Niger, au Mali et au Burkina Faso ont « décidé en toute souveraineté du retrait sans délai de leurs pays de la CEDEAO », regroupement de quinze pays d’Afrique de l’Ouest dont la naissance a été actée le 28 mai 1975 à Lagos, capitale économique de la République fédérale du Nigeria.

L’ »effondrement » du « Trans-Saharien », sur lequel Alger misait gros non pour ses intérêts économiques propres ou ce qu’il en reste mais dans le seul but de contrer le « Nigeria-Morocco Gas Pipeline », un conduit de 3 milliards de pieds cubes par jour qui devrait alimenter l’Europe, en traversant 13 pays d’Afrique de l’Ouest.

« Le Nigeria, riche en gaz, explore une nouvelle route pour acheminer ses vastes réserves de gaz naturel vers l’Europe, en concentrant son attention sur un gazoduc de 5 600 kilomètres vers le Maroc, après que des tensions diplomatiques ont fait échouer un projet longtemps évoqué via le Niger », certifie la publication allemande.

A cet horizon, un ballet diplomatique s’organise entre Abuja et Rabat. Pas plus tard que le 24 janvier 2024, le ministre d’Etat nigérian des Ressources énergétiques, Ekperikpe Ekpo, a conduit une importation délégation à Rabat, sur instructions du président Bola Tinubu qui s’investit personnellement pour la réalisation de ce projet stratégique pour la région d’Afrique de l’Ouest et pour l’Europe, laquelle cherche une alternative sérieuse à la Russie, qui assurait 40 % de ses besoins en gaz avant le déclenchement en février 2022 de l’offensive militaire russe en Ukraine.

Les observateurs voient dans la réalisation du gazoduc Nigeria-Maroc un game-changer majeur pour le secteur énergétique en Afrique de l’Ouest et dans le pourtour méditerranéen. Et encore une fois, l’Algérie qui a fait du gaz une « arme de chantage » envers le Maroc et l’Europe va certainement trinquer.

Pour rappel, un accord de coopération a été signé, en mai 2017, devant Sa Majesté le Roi Mohammed VI, entre l’ONHYM et la NNPC (Compagnie pétrolière nationale nigérienne), sur le projet de « Pipeline Nigeria-Maroc », ainsi que les droits et obligations des parties. En 2018, une déclaration conjointe a été signée entre le Royaume du Maroc et la République fédérale du Nigeria relative au projet de réalisation du Gazoduc régional connectant les ressources gazières du Nigeria aux pays d’Afrique de l’Ouest et au Maroc, lors de la visite du président nigérian au Maroc les 10 et 11 juin 2018.