Par Aziz DAOUDA*
L’expérience extraordinaire de Nezha Bidouane, Hicham El Guerrouj, Khalid Skah, Brahim Boutayeb, Nawal El Moutawakel, Salah Hissou, Hasna Benhassi, Zahra Ouaziz, Said Aouita, Jawad Gharib, Ali Ezzine et tant d’autres a fait du Maroc une superpuissance de l’athlétisme mondial. Le Maroc était à ce moment-là parmi les pays marquant de l’athlétisme mondial avec des résultats fulgurants et une continuité de près d’un quart de siècle.
Le Maroc fut même cinquième au monde en 1999, lors des championnats du monde de Séville.
Des performances de très haut niveau, des athlètes charismatiques, des entraîneurs marocains formés convenablement au Maroc, une politique fédérale inspirée, un soutien inconditionnel de l’Etat, une sollicitude royale généreuse ont fait ce Maroc formidable de l’athlétisme.
Au niveau mondial, pour la formation des sportifs de haut niveau, il y a deux expériences réussies et consacrées, deux façons de former et de produire de la performance et une troisième qui est en train de se faire une bonne place, qui devient même la plus productive, celle inventée et mise en place au Maroc.
Cette méthode marocaine a fait des émules. Elle a été adoptée par l’IAAF de l’époque, par la Confédération Africaine et également par plus d’un pays.
Grosso modo, vous avez le système américain avec de grandes universités très riches ayant tous les moyens de former des sportifs de très haut niveau. Les universités américaines développent la recherche scientifique en matière de performance sportive, investissent dans de grands laboratoires en physiologie de l’effort, en psychologie et autres sciences cognitives, en sociologie du sport et tout autres domaines de l’activité physique pour le bien-être et pour la production de la performance sportive. Elles investissent dans la performance sportive pour améliorer et consolider leur image respective, dans une grande compétition inter-universités. Ainsi elles sont les plus productives mondialement, bénéficiant de la connaissance développée, d’un niveau d’encadrement inégalé et d’un cumul historique inspirant. Elles font figure de superpuissance et font bénéficier les USA d’une puissance sportive tout azimut. Ainsi les USA ont toujours eu un tour d’avance sur le reste du monde.
A côté du système américain il y a le système européen avec de grands clubs soutenus par des collectivités locales très riches et des sponsors très généreux. Ce système produit donc la seconde puissance sportive mondiale et cela se voit aux différents championnats du monde et aux jeux olympiques chaque quatre années.
En Afrique nous n’avons ni l’un ni l’autre de ces systèmes, ni ne pourrions en avoir un dans un avenir proche.
Alors, au Maroc, nous avons inventé notre propre voie qui est celle de concevoir et de mettre en place une institution nationale qui regroupe des jeunes très talentueux sélectionnés à partir d’un bon système de prospection et de détection des talents. Les sélectionnés sont ensuite placés dans un environnement de haute compétence, de rendement optimisé, sous la houlette de cadres à 100% marocains. Avoir un encadrement exclusivement national est d’une grande importance au plan culturelle, sociologique et affectif. Il ne faut jamais oublier que la performance sportive est une expression culturelle. La motivation de tous étant la même: représenter dignement le pays. C’est ce qui nous a permis pendant plus de 20 ans de figurer parmi les dix plus grandes nations du monde, d’avoir des dizaines de titres et de records mondiaux.
Je pense que c’est la voie pour les pays d’Afrique. Au Kenya aussi, la quasi-totalité des athlètes est issue d’un système similaire initié par certains équipementiers et par l’IAAF dans le passé. L’Ethiope a adopté la même voie. C’est d’ailleurs la voie que développe actuellement la CAA en multipliant les African Athletics Developement Centers -AADC-. Il s’agit d’unités de formation des cadres et d’entraînement pour les jeunes athlètes. Hélas le système est menacé par manque de moyens, World Athletics ayant choisi de ne pas suivre la CAA dans cette voie.
Un tel système ne peut marcher que sur la base d’un système de détection intelligemment pensé et efficacement mené.
Pourquoi ne voyons-nous pas de nouvelles générations de grands athlètes marocains, serait la question que me poserait plus d’un ?
La performance sportive, si elle dépend de la volonté des dirigeants et d’un environnement favorable, elle dépend surtout et avant tout des hommes qui travaillent dans le système, de leur engagement et de leur génie.
Les structures et les financements ne sont pas suffisantes pour générer de la haute performance. Nous sommes ici dans un domaine culturel de créativité permanente, basée sur une vision qui combine la volonté aux aspects culturels mais sans négliger les prises en compte des avancées scientifiques au plus haut niveau.
La clairvoyance des décideurs, le niveau confiance dans l’encadrement, la continuité du système sont autant de facteurs qui vont impacter le processus de production de la performance sportive. Dès lors que l’un des ces facteurs venait à être perturbé, alors la machine coince.
Force donc est de conclure que pour produire de la performance sportive, le continent n’a qu’un seule et unique choix: celui de centres de formation. C’est ce que fait le football avec brio dans certains pays d’Afrique dont le Maroc.
*Directeur Technique et du Développement de la Confédération Africaine d’Athlétisme.