« NOUS SOMMES TOUS DES ENSEIGNANTS »

Cela fait cinq semaines, jour pour jour, que nos enfants sont « otages » d’une crise d’une ampleur inédite entre le gouvernement et les enseignants. On a eu beau s’armer de patience et se dire qu’au bout des bouts, la crise allait être réglée autour d’une table. Or, il s’avère que la situation est appelée à pourrir. Dangereusement. Du côté des enseignants, désormais soutenus par les parents d’élèves, la contestation est train de se durcir. Du côté du gouvernement, c’est le cafouillage total.

On assiste, non sans étonnement, à une multiplicité des intervenants et à une dilution des responsabilités. En lieu et place du ministre de tutelle, en l’occurrence Chakib Benmoussa, on a vu d’autres accourir, au nom de la sacro-sainte « solidarité gouvernementale », vers les plateaux de radio et de télévision, qui pour exalter la vertu du « dialogue » -qui n’est pas une fin en soi-, qui pour assurer que le gouvernement est animé de bonnes intentions, -l’enfer est pavé de bonnes intentions!… Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, Mehdi Bensaïd, ministre de la Culture, de la Jeunesse et de la Communication, voire le président de la Chambre des représentants, le RNIste Rachid Talbi Alami… Chacun y est allé de sa partition dans ce qui a tout l’air d’un concert polyphonique.

Le cafouillage est tel qu’une (énième) rencontre, prévue le 20 novembre, entre la commission interministérielle créée par Aziz Akhannouch et les quatre syndicats (UMT, CDT, UGTM et FDT) a été annulée in extremis. On ne convoque pas une réunion sans avoir établi un « ordre du jour » préalablement. Dit autrement, cela revient à brasser- pomper l’air au commun du corps enseignant qui n’en peut plus, pas plus d’ailleurs que les 7 millions d’élèves et des parents de plus en plus inquiets face au spectre d’une année blanche.

Gouvernement, entre déni de la réalité et fuite en avant 

C’est une erreur que de ne voir derrière les revendications du corps enseignant qu’une prétendue volonté de « tordre le bras au gouvernement » (Cf: Abdellatif Ouhabi). Cet écran de fumée ne saurait détourner l’attention des véritables problèmes auxquels est confronté l’enseignant, maillon faible du système alors qu’il est censé en être l’acteur essentiel. Il est impensable d’imaginer, à la lumière de cette flambée des prix continue, qu’un enseignant puisse vivre dignement avec un salaire de 5 000 Dh. Il est inconcevable que le taux d’encombrement des classes continue d’atteindre des proportions alarmantes (40 élèves par enseignant). Il est invraisemblable que le temps des cours des enseignants plafonne à 30 heures par semaine et qu’en guise de « prime », on leur inflige, en vertu du nouveau et néanmoins très controversé « statut unifié », des tâches (et des sanctions!) supplémentaires!

A cette liste de handicaps non exhaustive, vient encore et surtout se greffer l’absence regrettable de vision et de volonté politique pour réhabiliter l’école publique, vecteur d’émancipation individuel et de progrès collectif.

Si on ne peut attendre d’un gouvernement « libéral » une redistribution équitable des richesses, on est en droit d’exiger de lui au moins une redistribution équitable du savoir.