Les secrets d’une pression américaine inhabituellement forte et directe sur le régime algérien

L’entretien téléphonique entre le chef de la CIA, William Burns, et le chef d’état-major de l’armée algérienne, Saïd Chengriha, serait passé inaperçu s’il n’y avait pas ce communiqué lapidaire et en trompe-l’oeil, diffusé hier par le ministère algérien de la Défense. « Le chef d’état-major de l’ANP, le général d’armée Saïd Chengriha, a reçu un appel téléphonique du directeur de la CIA, William Burns. Les deux hommes ont salué le niveau de coordination sécuritaire, notamment en matière de lutte contre le terrorisme », indique le communiqué du MDN, relayé par l’agence « Reuters ».

Derrière les formules succinctes et « politiquement très correctes », il y a autre chose que la prétendue « coordination sécuritaire » entre Alger et Washington. Il faut vraiment être un enfant de choeur pour croire que le patron des services de renseignement les plus puissants au monde a le loisir de contacter le chef d’état-major de l’ANP, pour « saluer le niveau de coordination sécuritaire » avec un pays dont les accointances avec la nébuleuse terroriste s’activant dans la région sahélo-saharienne sont avérées. Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), issue des maquis algériens, tire ses racines lointaines dans les Groupes islamiques armés (GIA), qui avaient muté en Groupement salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) durant la guerre civile des années 1990-2000. Daech, acronyme arabe de « L’Etat islamique au Grand Sahara » (EIGS), avait été fondé par Adnane Abou Walid al-Sahraoui, ancien élément de la milice séparatiste du « polisario »… La « main » visible de la junte algérienne dans les coups d’Etat militaires qui secouent la zone CFA (Mali, Niger, Burkina Faso…), vient également garnir un pedigree qui ferait pâlir le pire des Bokassa-gueule-de-loup…

Mais passons, car la question est ailleurs. La stratégie de tension suivie par la junte algérienne à l’encontre du Maroc met à rude épreuve la patience des Etats-Unis d’Amérique. Blocage par Alger de toute solution politique au différend créé il y a maintenant quarante-huit ans autour du Sahara marocain, malgré les appels réitérés par le Conseil de sécurité depuis vingt ans (2001) pour ménager une issue politique à ce contentieux fabriqué de toutes pièces… Non respect des principes de bon voisinage et de l’intégrité territoriale du Royaume du Maroc dénoncé avec force, hier depuis le Caire, par Nasser Bourita… Violations de l’accord de cessez-le feu par la milice séparatiste à l’autre bout du dispositif de défense marocain… L’assassinat prémédité par des garde-côtes de l’armée algérienne de vacanciers marocains, mardi 29 août, près de Saïdia, est venu alimenter cette tension qui, dans d’autres circonstances, aurait pu constituer un « casus belli » et dégénérer, qu’à Dieu ne plaise!, en conflit ouvert.

Washington suivait de près cette escalade savamment orchestrée par le régime algérien à l’encontre du Maroc, allié majeur des Etats-Unis hors OTAN. Elle ne pouvait évidemment rester en retrait, même si le curseur est mis sur un dossier plus « prioritaire », soit le conflit russo-ukrainien. A cela, il faut ajouter cette lenteur dans la prise de décision induite par la multiplication des intervenants au sein de l’administration américaine.

Or voilà, la situation est intenable et, au regard des visées belliqueuses et surtout non calculées du régime algérien, elle pourrait échapper à tout contrôle. La région se passerait bien d’une « guerre » qui n’a d’ailleurs jamais généré que drames inutiles.

On comprend dès lors ce qui a finalement décidé l’administration américaine à intervenir activement auprès de l’establishment militaire algérien.

Blinken, Joshua Harris, Williams Burns.. Quand les Sherpas de l’administration Biden entrent en ligne

En un mois seulement (8 août-7 septembre), trois hauts responsables de l’administration Biden étaient intervenus auprès de la junte algérienne pour l’amener à reconsidérer sa position hostile envers le Maroc, notamment sur le dossier du Sahara. Le 8 août dernier, il y a eu cette « invitation » du MAE algérien au bureau du Secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, à Washington. Des sources algériennes avaient précisé sous le sceau de l’anonymat qu’il s’agissait plutôt de « convocation » d’Ahmed Attaf pour s’expliquer sur les contrats juteux d’armement conclus avec la Russie, malgré l’embargo imposé à Moscou suite à son invasion, le 24 février 2022, de l’Ukraine. Le 22 septembre 2022, un groupe bi-partisan constitué de 27 membres du Congrès avait appelé l’Administration américaine à activer la loi CAATSA (Countering America’s Adversaries Through Sanctions Ac) à l’encontre de l’Algérie, troisième gros client de la Russie, après la Chine et l’Inde.

Autres sujets de préoccupation pour l’administration américaine, les liaisons dangereuses entretenues par Alger avec Wagner, groupe para-militaire pro-russe qui continue de tisser sa toile en Afrique; le rôle de la junte algérienne dans l’implantation des Mollahs d’Iran en Afrique du Nord et dans l’entraînement, via le Hezbollah, de la milice séparatiste du « polisario », à l’origine de la rupture par Rabat de ses relations diplomatiques avec Téhéran, e 1er mai 2018.

La visite du Secrétaire d’Etat adjoint des Etats-Unis pour l’Afrique du Nord, Joshua Harris, à Alger et accessoirement Tindouf, confirme ce degré élevé d’exaspération américaine quant à l’acharnement hystérique d’Alger à faire obstruction à toute issue politique au différend crée autour du Sahara. Une exaspération qui a été formulée subrepticement dans le tweet du Secrétariat d’Etat consacré à la visite de Joshua Harris à Alger, insistant sur la nécessité de « progresser » vers une solution basée sur « le réalisme et l’esprit de compromis ».

 

 

L’appel téléphonique du chef de la CIA, William Burns, au chef d’état-major de l’ANP, Saïd Chengriha, hier mercredi, s’inscrit dans le cadre du même forcing américain. Lors de cet entretien, Chengriha, véritable détenteur des clefs du palais El Mouradia, s’est vu remonter les bretelles par « l’homme le mieux informé du monde », selon des sources confidentielles. Et ce n’est surtout pas cet article paru dans les colonnes crocodilesques de « Tout sur l’Algérie » au sujet de la tuerie de Saïdia, qui dira le contraire.