CARNET NOIR. CORRUPTION À LA FIFA POUR L’ATTRIBUTION DES MONDIAUX, L’ENQUÊTE QUI DÉVOILE TOUT

Et de trois. Après le Brésilien Havelange, le Suisse Sepp Blatter voilà que l’Italo-suisse, Gianni infantino, s’est empêtré, lui aussi, dans une enquête judiciaire pour corruption au sein de la FIFA. Décidément, ce temple du football mondial est devenu une véritable superpuissance qui fait la loi aux dépens de toutes les lois universelles en usant de corruption, de malversations, de collusion judiciaire, de clientélisme politique et de manipulation des votes.

Depuis des années, cette fédération est devenue un véritable centre de pouvoir international dont le président est sollicité de toutes parts et reçu en grande pompe par les chefs d’Etat du monde. La FIFA est d’abord une puissance financière qui brasse un budget quadriennal de plus 5 milliards de dollars dont les recettes proviennent essentiellement du sponsoring et des droits de télévision. C’est une organisation tentaculaire assimilée souvent à un Etat supranational qui dépasse l’ONU en nombre de pays affiliés avec 209 contre 193 membres.

La FIFA organise toutes les grandes compétitions de football, garçons et filles (coupes du monde toutes catégories, coupe des confédérations, coupe du monde des clubs, tournois olympique, futsal…), édicte les lois du football, sanctionne les clubs, les fédérations et les confédérations. En définitive, cette organisation fait sa loi et viole toutes les lois notamment par ses présidents successifs depuis Joe Havelange en passant par Sepp Blatter et en terminant par Gianni infantini.

Ce dernier qui a été élu à la présidence en 2016 après la Fifagate qui a éclaboussé Blatter et plusieurs membres de l’ex-comité exécutif avait promis d’assainir cette citadelle infranchissable. Mais l’Italo-suisse n’a pas mis longtemps pour être épinglé, lui aussi, dans une procédure pénale concernant un contrat de droits télévisés de la Ligue des champions qu’il avait signé, lui-même, quand il était directeur de la division des affaires juridiques de l’UEFA. L’enquête judiciaire suivait son cours par le parquet général suisse sauf que le quotidien La Tribune de Genève a révélé dans son édition du lundi 27 avril 2020 que le président de la FIFA a essayé d’étouffer l’affaire. Gianni Infantino aurait, en effet, fait appel à son ami d’enfance, le procureur Rinaldo Arnold, pour qu’il lui organise une rencontre avec le procureur de la Confédération Michael Lauber en charge de l’enquête.

Une rencontre a effectivement eu lieu en présence d’autres personnes et qui a valu à Michael Lauber d’être dessaisi de ce dossier par le ministère public de la confédération et remplacé par le procureur de la Confédération Cédric Remund.

Surprise! Ce procureur qui mène également l’enquête sur la corruption lors de l’attribution de la Coupe du monde 2006 à l’Allemagne est soupçonné lui aussi d’avoir participé à cette rencontre avec le président de la FIFA. Dans cette affaire aussi, il y a un hic. Le tribunal fédéral a tellement tergiversé dans ce dossier de corruption contre les dirigeants du football allemand et la procédure instruite contre Franz Beckenbauer que les deux procès risquent d’être annulés pour expiration de délai de prescription. Des comportements qui ont fait dire à plusieurs acteurs de football dont l’ex-secrétaire général de l’UEFA, Michel Platini, qu’il existe une collusion entre la justice suisse et la FIFA. D’ailleurs, le Suisse Sepp Blatter n’a jamais été inquiété malgré l’existence de plus d’une vingtaine d’enquêtes judiciaires contre la FIFA.

L’ex-légende du football allemand aurait versé à la FIFA, via Adidas, une somme de 6,7 millions d’euros pour acheter des voix au sein du comité exécutif afin de remporter l’organisation du Mondial 2006. Malgré les faits avérés, les dirigeants allemands rejettent toute tentative de corruption en prétendant que cette somme était destinée au développement du football. Il faut rappeler qu’à cette époque, le Maroc présentait pour la troisième fois sa candidature à l’organisation de la Coupe du monde après avoir perdu en 1994 contre les Etats-Unis (10 contre 7) où le football était pourtant à l’état embryonnaire et contre la France en 1998. En 2000, l’Afrique du sud qui était candidate avec le Maroc a pesé de tout le poids de la légende Nelson Mandela pour remporter son duel contre l’Allemagne. Malgré la réputation de son mythique président, l’Afrique du Sud a été clouée au pilori par l’Allemagne (12 contre 11) grâce à l’argent sale versé à la FIFA par Beckenbauer.

Mais il ne faut pas sous-estimer l’intelligence collective des dirigeants de la FIFA et à leur tête le baron Sepp Blatter qui a trouvé la parade pour étouffer ce scandale. Afin de dédommager l’Afrique du sud de la légende Mandela, qui comme les Etats-Unis n’était pas un pays de football, le président de la FIFA a décidé de changer les règles d’attribution de l’organisation de la coupe en optant pour la rotation des continents. Comme par hasard, ce nouveau règlement est entré en vigueur dès 2010 où l’Afrique du sud l’avait emporté par 14 voix contre 10 pour le Maroc. Là aussi, c’est l’argent sale qui a voté grâce à la manne versée par la fédération sud-africaine à des membres du comité exécutif de la FIFA. Les enquêteurs américains et suisses ont découvert le pot aux roses quand ils ont localisé un virement de 10 millions de dollars effectué par la fédération sud-africaine de football en faveur de la Concacaf.

Plusieurs dirigeants de cette confédération qui siégeaient à la FIFA ont été arrêtés pour corruption en 2015 en Suisse avant d’être extradés par la suite vers les Etat-Unis. Le président de l’Afrique du sud de l’époque, Thabo Mbeki, avait catégoriquement nié que son pays ait été mêlé à une affaire de corruption. Mais le président de la fédération sud-africaine, Danny Jordaan, a reconnu avoir versé cette somme arguant qu’elle était destinée à un fonds de développement de la Concacaf exactement comme l’avait justifié Beckenbauer quelques années auparavant. Lors de l’attribution de la coupe du monde 2006, le Brésil qui était candidat s’est retiré trois jours avant le vote. Les barons de la FIFA n’étaient pas étrangers à ce retrait puisque le Brésil sera désigné comme pays organisateur de la Coupe du monde 2014. L’attribution des coupes du monde 2018 et 2022 respectivement à la Russie et au Qatar a suscité un tollé général et fut à l’origine du déclenchement de la Fifagate.

L’acte d’accusation a été signé par la justice américaine mettant en cause directement la Russie et le Qatar d’avoir soudoyé les dirigeants de la FIFA pour qu’ils votent pour eux. Mais la justice américaine n’a pas diligenté cette enquête pour la bonne cause de la transparence mais pour la cause des Etats-Unis qui étaient candidats à l’organisation du Mondial 2022 et furent battus par le… Qatar (14 voix contre 8). Là aussi, l’intelligence collective et maladive de la FIFA a vite fonctionné pour réparer cette erreur et accorder le Mondial 2026, encore une fois, aux dépens du Maroc. Mais à la FIFA de la Mafia, il faut s’attendre à tout y compris à cet aveu débité par l’ex-président suspendu Sepp Blatter. Dans une interview accordée au quotidien allemand Bild, à la mi-avril 2020, il suggère tout simplement que l’on retire l’organisation de la Coupe du monde au Qatar. Et de révéler sans ambages que : «Il y avait un gentlemen’s agreement au sein du Comité exécutif de la FIFA: le Mondial 2018 à la Russie et le Mondial 2022 aux Etats-Unis mais une décision politique a tout chamboulé».

Cette vérité qui sort de la bouche de Blatter démontre, une fois pour toutes, que l’attribution de l’organisation de la Coupe du monde ne se base aucunement sur la capacité d’organisation du pays hôte, ni sur les infrastructures en stades, en hôtels, en moyens de transport et autres. C’est juste un trompe-l’œil car tout se trame dans cette caverne d’Ali Baba où l’argent sale coule à flot et où le football est devenu un jeu politico-judiciaire très loin de la passion du ballon rond.

Avant Blatter et Infantino, il y avait un certain Joe Havelange qui a sévi de 1974 à 1998 et devenu président d’honneur jusqu’à 2013. Il a été lui aussi accusé d’avoir reçu plusieurs dizaines de millions de dollars de pots-de-vin de la firme ISL qui gérait l’attribution des droits télévisés pour la Coupe du monde. L’affaire a été classée car le président de la chambre de jugement de la Commission d’éthique de la FIFA, Hans-Joachim Eckert, a considéré qu’au moment des faits, entre 1992 et 2000, les pots-de-vin n’était pas considéré comme un crime par la loi suisse. Depuis, rien n’a changé puisque la corruption est toujours légale au sein de cette Organisation tentaculaire qui ressemble beaucoup plus à une secte qu’à une fédération internationale de football.