La question peut paraître provocatrice envers nos amis poètes, qui, comme tous les 21 mars, célèbrent aujourd’hui leur journée internationale. Mais elle s’impose avec d’autant plus d’acuité que la voix du poète n’est plus audible ou presque. Jadis ouvreur, commenceur, avant-gardiste, aujourd’hui, il n’arrive pas à se faire entendre, ni agir sur les esprits ou les coeurs, a fortiori sur le cours des événements. Il s’est auto-exclu à partir du moment où il a cessé d’être en phase avec les préoccupations de son époque, en s’empêtrant dans un nombrilisme suicidaire.
Il faut « Apprendre à détourner les yeux de soi-même pour voir beaucoup de choses », écrit Friedrich Wilhelm Nietzsche, dans son ouvrage culte « Ainsi parlait Zarathoustra » (1883-1885). « Cette dureté est nécessaire à tous ceux qui gravissent les montagnes », prescrit le poète-philosophe, un maître à penser et… à vivre.
Je souhaiterais aussi citer l’auteur de « Seuls demeurent« , René CHAR, qui refusa de publier ce recueil tant que la France n’aura pas chassé les troupes nazies. Pour le poète -debout, -il assumait bien son nom: René (Renaissance) et CHAR (Mouvement)-, les mots sont « dérisoirement insuffisants » au regard des exigences du combat. A contrario de Louis Aragon, qui croyait possible de mener le combat avec les mots, René Char prit le maquis et les armes. Il s’inscrit ainsi à rebours du choix de l’auteur des « Yeux d’Elsa« , selon lequel cet hymne à l’amour serait « une contribution à la Résistance ».
Que faut-il retenir de cette polémique qui fit des étincelles en 1943?
Placée dans le contexte exécrable qui est le nôtre aujourd’hui, elle n’est pas sans intérêt. Elle (ré)interroge le rôle même de nos Poètes, face aux questionnements de notre époque.
Bonne fête, quand même!