Ni fleurs ni couronnes pour la « Françafrique » (Par Omar SALIM)

Par Omar SALIM*

« Je me révolte donc nous sommes », telle fut, dans « L’homme révolté » en 1951, la réponse d’Albert Camus à l’existentialisme selon Jean-Paul Sartre. Et telle est aujourd’hui la réponse de l’Afrique à la France d’Emmanuel Macron. Force est de constater que les accueils euphoriques faits jadis en terre africaine à Georges Pompidou ou à Jacques Chirac relèvent du souvenir ou plutôt de l’oubli, les deux facettes de la mémoire. Les « Vive l’amitié franco-gabonaise, vive le Président Georges Pompidou » comme cela fut scandé par les autochtones de Centrafrique, du Sénégal ou du Gabon appartiennent désormais à un passé très lointain. La dernière tournée de M. Macron dans certains pays du Continent noir en est la parfaite illustration.

Reçu avec les égards dus à son rang, le Président français n’eut droit à aucun supplément. Au contraire à Kinshasa il fut humilié (n’ayons pas peur des mots) par le Président Congolais. La sortie du Président Tshisekedi fera date. En fait, que reprochait-il à son  » homologue » français? L’ingérence. Car si la France a quitté ses colonies par la porte, elle a vite fait de revenir par les fenêtres pillant le sous-sol, imposant le franc CFA, fomentant des coups d’État ici et là et tout à l’avenant. J’arrête là le descriptif pour éviter d’être fastidieux voire scabreux.

L’Afrique se réveille et c’est de bon augure. Car c’est à l’Afrique de tordre le cou à la « Françafrique » et non à la France quoiqu’en dise M. Macron. Et pour cause, la France caracole parmi les grandes puissances grâce en grande partie aux bras et aux ressources africains, faut-il le rappeler. De tout temps les dirigeants français ont mis de l’Africain à toutes les sauces, en temps de paix comme en temps de guerre. L’Histoire est têtue même si on n’a de cesse d’essayer de la pervertir.

La France a attendu des décennies avant d’oser mettre le Maroc en bouteille de peur de se voir confronter à une forte résistance, le Maroc étant un Etat-Nation avant que la France ne soit dotée d’une véritable armée, d’Institutions solides, d’un réseau diplomatique en bonne et due forme etc… Il aura fallu attendre que le Maroc vienne en aide à l’Émir Abdelkader, la seule personnalité « historique » Algérienne, lors de la bataille d’Isly contre la France, pour que Paris découvre les grosses lacunes de l’armée chérifienne et d’imposer par conséquent son protectorat sur le royaume. Dans sa brillante chronique dans l’hebdomadaire « Al Ayyam », mon ami le poète Driss Abouzaid proposait amicalement à nos voisins Algériens de leur prêter quelques sépultures de nos Sultans de leur choix (entre les Idrissides et les Alaouites, la gamme est large et variée) afin qu’ils aient au moins l’illusion d’avoir eux-aussi une histoire en plus d’offrir de la compagnie à l’Émir.

Abdelkader fut sans nul doute l’instigateur lointain de la guerre d’Algérie (1954-1962) dont les victimes se comptent par centaines de milliers, de part et d’autre. D’ailleurs les Algériens n’ont pas fini de compter 60 ans après, cela dit, la barre du million de martyrs à été franchie depuis belle lurette. Cette sale guerre, jamais les Algériens ne l’oublieront. Jamais. La France non plus mais l’envahisseur finira par se faire une raison si ce n’est déjà fait partant du postulat du Général De Gaulle:  » La France n’a pas d’amis, la France n’a que des intérêts ».

Belle mentalité! Cependant, Paris a des intérêts au Maroc et non des moindres. Alors l’affaire Pegasus, la résolution du Parlement européen sur les droits de l’Homme au Maroc et autres peccadilles n’entacherons pas éternellement les relations d’intérêts Maroco-Françaises. Reste la question du Sahara Marocain, le pays de Voltaire devra redoubler d’ingéniosité, de virtuosité pour plaire à Rabat sans déplaire à Alger. Bon courage. Mais ce n’est qu’à ce prix que les relations bilatérales connaîtront une réelle embellie.

Journaliste-écrivain