Le 3 juillet 2003, des minibus débarquent à la pointe du jour devant Grand-Hôtel, Tripoli-Port. Au programme du jour, une visite guidée de Bab El Azizia, la « cité interdite » de Mouammar Kadhafi, qui portait encore les traces du bombardement survenu en 1986 sur ordre de Ronald Reagan après un attentat anti-américain à Berlin. À l’entrée de la résidence de l’ancien dictateur, une statue accroche votre regard: une main d’or écrase un avion américain!!!
Dans l’enceinte de Bab El Azizia, des chars de combat, des jeeps hérissées de mitrailleuses et un mouvement inhabituel d’hommes en uniforme dans ce décor de ruines. Sur les quelques façades qui tenaient encore debout, des inscriptions dénonçant «la lâche offensive de l’ennemi»! «Même la chambre à coucher du Guide n’a pas été épargnée par les maudits missiles Tomahawks», s’insurge notre accompagnateur libyen, jurant de venger le pourtant champion des soirées bunga bunga.
Fait curieux dans ce décor de guerre, la chamelle qui offrait du lait au satrape de Tripoli est restée saine et sauve. « Elle est témoin de l’agression perpétrée par les Américains contre le Guide de la Jamahyria arabe libyenne », renchérit notre hôte, sous le regard indifférent de la bête.
Changement de cap. Destination: le Théâtre national de Tripoli. Les pacifistes sont invités à suivre une représentation théâtrale. Sur le perron de l’édifice, une pléiade des grandes personnalités libyennes du monde du spectacle. Grand était notre espoir d’obtenir auprès de ces artistes un son de cloche différend de celui des suppôts du régime. Mais voilà, la propagande pro-Kadhafi avait pris le dessus!
Liberté de parole, autonomie d’esprit et de pensée n’avaient pas droit de cité sous un régime qui gouvernait le pays d’une poigne de fer.
Mais passons, car dans l’après-midi, les pacifistes ont rendez-vous à Sabrata, une ville romaine d’une extrême beauté. Il était 15 heures quand nous y sommes arrivés. Une lumière crue baignait les vieilles pierres. Pas un seul bruit, hormis celui des vagues qui venaient se fracasser contre les rochers solitaires. Au seuil du site, quelques échoppes isolées proposaient des ice-creams, tellement il faisait chaud.
Le site se présentait comme un dédale, la mosaïque architecturale romaine donnait le vertige. Pour éviter de s’égarer, les pacifistes se sont fixé un point de repère: l’hémicycle du théâtre romain. Un bel édifice resté indemne, en dépit de l’érosion due à sa proximité de la mer. On se demandait pourquoi les Romains avaient choisi cette place pour construire ce somptueux édifice; ce que pareils sites, d’habitude construits dans les villes intérieures, venait faire à deux enjambées de la Méditerranée. Peut-on chercher une explication dans le passé maritime prospère des Romains? Pourquoi alors Carthage (Tunisie), et Volubilis (Maroc), entre autres, se trouvent à l’intérieur?
Peut-être ce choix était-il dû à la particularité de la nature libyenne, qui est un immense désert.
C’est ce que nous a confirmé notre guide durant le trajet Tripoli-Sabrata.
Un trajet d’une époustouflante beauté… une succession à perte de vue de plaques de dunes formées d’immenses hamadas pierreuses et rocheuses, où se meut un monde complexe de petites bêtes, dont ces Mula-Mula, petits oiseaux noirs à tête blanche, qui ne sortent que la nuit pour se nourrir.
A 18h00, Re-cap sur Tripoli. A 20 heures, après une pause-dîner, retrouvailles sur la Grand-place de Tripoli, située tout près de la corniche. Là-bas, une grande estrade avait été aménagée. Une soirée de chant et danse y était prévue, à la faveur d’une belle communion entre public et pacifistes. La fête sera couronnée, le lendemain après-midi, d’un beau défilé offert par les saltimbanques à travers les mystérieuses ruelles de Tripoli…