CARNETS DE VOYAGE. PÉRIPLE DE PAIX EN MÉDITERRANÉE. « NADOR, J’ADORE! »

« NADOR, J’ADORE »! 

Après la France et l’Espagne, RE-CAP sur le Maroc. La ville de Nador est la première escale maghrébine du « Constanta », navire de guerre mis gracieusement à notre disposition pour distribuer un message de paix à travers la Méditerranée. Ahmed Massaïa, responsable de la section Maroc de l’IITM, savait ce qu’il a à faire: réunir toutes les conditions de réussite de cette escale. Ce n’était pas de tout repos. A mi-chemin entre Palma de Majorque et Nador, mon ami Ahmed m’appelle au téléphone. «Les autorités locales à Nador sont très peu coopératives», dit-t-il. Il me demande alors d’entrer en contact avec l’ambassadeur du Royaume du Maroc auprès de l’Unesco, Aziza Bennani. Or, la diplomate affirme n’avoir épargné aucun effort pour mobiliser les autorités du pays…

A l’approche du destroyer des eaux nationales, grande était la joie de découvrir le Maroc. «Nador, j’adore!», fait un ami français. Je l’ai gratifié d’un sourire… un peu forcé. En fait, j’avais peur que l’accueil à Nador ne soit pas à la hauteur. Le ton un brin cassé de mon ami Massaïa n’était guère rassurant. Nador n’était pas prête à accueillir un bateau monstre comme le Constanta. « Mais que faire? Les dés sont jetés et on ne peut revenir en arrière », me suis surpris à rêvasser…

Le crachotement d’un micro me tire soudain de cette rêverie. Le capitaine me prie alors de le suivre dans la cabine de pilotage. M’y voilà. Or, quelle n’a été ma surprise de voir déjà les côtes de Nador! M. Boruzi me tend un drôle de gadget. « Merci de discuter avec votre capitainerie des démarches à accomplir pour entrer au port », me demande-t-il.

Nous y voilà. A quai, un orchestre de la Marine Royale marocaine (MRN) nous gratifie de partitions en signe de bienvenue. A bord, les cadets roumains donnent la réplique. Richard Martin est le premier à descendre. À son accueil, il trouve le gouverneur de Nador. Quelques minutes après, tout l’équipage du destroyer était à quai. Il a eu droit à un banquet officiel, aménagé sous des tentes caïdales.

Fini le banquet, place à une longue nuit de fête. Houaryate, Raï et du chaâbi… tout y était ou presque. N’eût été le chergui qui rugissait ce soir, on aurait pu y rester jusqu’au.. lever du jour.

Mais un autre banquet nous attendait au centre-ville. Une douche à l’hôtel, par la suite. Soulagement… Enfin, pas d’ombre au tableau…

 

MAROC /ESPAGNE 

UNE PLAIE NOMMEE OCCUPATION

Le lendemain, à la pointe du jour, je suis déjà debout. Mon confrère et néanmoins ami espagnol, Emilio Garrido, est dans une chambre voisine. Ce matin, je l’ai surpris en train de chanter «Aïcha» de Cheb Khaled. «Le nom d’une ancienne amie marocaine», roucoule-t-il, l’air romantique.

«L’histoire des relations hispano-marocaine n’a pas été un long fleuve tranquille», lui dis-je, pensif.

Cette phrase résonne comme une prédiction!

A 10 heures, alors que nous nous acheminions vers le destroyer, après une nuit à l’hôtel « Ennakhil », mon ami Emilio me propose une petite virée… à Mellila.

Nous voilà devant le « poste-frontière », où je me suis présenté le premier. Une fois le passeport cacheté, je passe de l’autre côté de la « frontière ». Mais sans mon ami espagnol, journaliste à la Radio nationale d’Espagne. Que s’est-il passé ? Une femme me dit qu’il a été interpellé par la police. «On l’a surpris en train de prendre des photos discrètement»!!, m’explique l’officier de police, en reprochant à mon collègue de ne disposer d’aucune autorisation. «No es possible», s’indigne Emilio, jurant n’avoir aucune intention de «nuire à l’image du Maroc». «On ne va tout de même pas en faire une histoire… vous avez pris des photos illégalement», s’écrie l’officier, en lui demandant de renoncer au cliché incriminé. C’est fait. Mais une violente émotion en est restée en travers de la gorge…

Emilio n’était pas au bout de… ses peines.

«Vous n’êtes pas sans savoir que votre pays occupe deux villes marocaines ? Oui, Ceuta et Melilla, pour n’en citer que ces deux villes», lui dis-je.

De quelque côté que l’on se trouve de la « frontière », la tension est vive. À l’autre bout, la provocation est insoutenable. Melilla a deux heures d’avance sur Nador!!! Comment ce décalage horaire peut-il se produire alors que les deux villes ne sont séparées que par une ligne de démarcation?

«C’est une affaire entre politiques»!!, croit savoir Emilio.