Cette semaine qui vient de s’écouler, a connu deux événements qui ont marqué la ville de Rabat et par ricochet le Maroc. L’installation de la fameuse sculpture de l’artiste franco-américaine de renom, Niki de Saint Phalle (1930-2002) et qui porte un nom poétique « La machine à rêver » créée en 1970. Cette dernière est désormais visible pour le public sur l’esplanade du Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain. Elle nous invite à contempler les lignes invisibles des rêves, des couleurs criardes de la joie de ces femmes et de leurs présences qui attrapent notre regard fuyant. Le rêve est là malgré son association à cet engin si austère que nous nommons « machine ».
Mais pas loin de là, en passant du centre de la ville de Rabat pour rejoindre le quartier des Oudayas, une autre installation d’une autre machine. Mais cette dernière est censée provoquer un cauchemar. Il s’agit bien cette fois-ci des hommes et des femmes vivants. Plus précisément d’un artiste musicien, compositeur et chanteur. Sans mise en scène, il était là, il nous a rappelé la sculpture du Penseur de Rodin. Sauf que sa pensée est agitée par l’extravagance d’une violence inouïe.
C’est devant « sa maison », qui est restée le personnage principal à écouter son histoire à travers plusieurs acteurs sur place. Il est évident que la maison de l’artiste, est avant tout la maison de son âme. Il l’a sculptée par ses rêves et ses espérances. Ce direct, qui est devenu l’info instantanée de ce monde moderne, nous a plongé tous dans le chaos absolu d’une machine infernale à broyer les rêves.
Le verdict est tombé, l’artiste doit être expulsé de sa maison. Sans rentrer dans les détails d’un tel litige entre le propriétaire et le locataire. Notre affaire est au-delà d’un simple procès relevant du tribunal. Une question qui se pose avec acuité, fallait-il arriver à un tel drame pour se rendre compte de cette fragilité sans nom dédiée généreusement à l’artiste marocain ?.
Mahmoud Mégri – qu’on a vu pour la première dans un état d’effondrement total – a été à côté de ces deux frères feu Hassan et Younes et sa sœur Jalila, l’un des précurseurs de ce mouvement musical innovateur inscrit dans le registre de l’expérimentation et la fusion musicale. Mahmoud Megri a donné lieu à une chanson marocaine moderne ouverte sur le monde qui a marqué plusieurs générations au Maroc et hors nos frontières. C’est un monument vivant à préserver contre les aléas de la vie car c’était « une machine humaine » à faire rêver et à transformer notre quotidien par des belles paroles et une musique qui vous a fait voyager.
Cet incident a ému les Marocains car ça touche ce côté sensible qu’on a occulté en nous, à savoir la place de l’art dans notre vie. Ce cas est l’exemple de l’arbre qui cache la forêt. Le dernier geste du Ministre de la culture, du sport et de la communication, de s’entretenir avec les deux frères Mégri pour débloquer cette situation, est louable, il exprime à quel point on a le choix d’installer sur la place publique de notre cité soit la machine à rêver ou la machine qui produit des cauchemars.
L’artiste existe pour égayer notre vie si difficile à surmonter son stress quotidien, il est temps de prendre soin de nos artistes. Car sans leur présence, le monde est cruel.