« Masculin/Féminin: une réinvention des modèles » est le titre choisi par les instituts français de Fès, Agadir, Marrakech et Tanger-Tétouan comme point de départ des Nuits du débat d’idées pour cette rentrée culturelle. Pour assurer une bonne circulation des idées et pour orchestrer ces échanges, on a fait appel au talent de la journaliste Hanane Harrath.
Cette dernière a présenté dans son introduction la complexité d’un tel sujet dans un contexte où le besoin de nommer les choses reste une lourde tâche et une frontière à affranchir. Surtout quand il s’agit de la sexualité, la nudité, le corps des femmes, les minorités sexuelles et le rapport hommes-femmes.
Pour Hanane Harrath, « toutes ces questions relevaient et relèvent encore pour beaucoup de l’ordre de l’impensable et de l’impensé, dans un contexte social et culturel fortement marqué par l’ordre patriarcal et le référent religieux. Pourtant, nombreuses sont les voix qui osent aujourd’hui les questionner, que ce soit à la faveur de faits divers qui mobilisent la société civile ou d’engagements individuels, notamment artistiques. Ces sujets, longtemps tabous, sont aujourd’hui exposés, débattus, discutés, et ouvrent un espace nouveau pour réinventer le rapport des genres et la place de la sexualité dans la société marocaine ».
Parmi ces voix qui osent et qui participent à ce débat Zainab Fasiki, activiste et artiste bédéiste, auteure du livre Hshouma, un projet de livre qui se veut comme un manifeste illustré pour briser les tabous et aller au-delà de la honte. Soufiane Hennani, Doctorant chercheur en Sciences de la santé à la Faculté de Médecine et de pharmacie – Université Hassan II de Casablanca et lauréat du programme du changement social de l’Arab Fondation For Freedom and Equality en 2019. Fondateur de la plateforme « Machi Rojola », un défi de société et un engagement sérieux animé par la volonté de remettre en cause ce stéréotype de la masculinité dans notre société. Un pavé dans la mare pour faire bousculer les idées toxiques qui gangrènent la société marocaine.
Ils ont soulevé la question « des frontières », une problématique fâcheuse d’une société par laquelle Fatima Mernissi a pu construire tout un arsenal conceptuel pour faire parler l’indicible et faire émerger le mal non prononcé. Pour Zainab Fasiki, c’est une expérience de vie caractérisée par ses multiples dépassements. Son passage de la médina de Fès, à la nouvelle ville, et à Casablanca n’a pas résolu le problème des frontières. Il a fallu faire tout un déplacement dans le vaste royaume des schémas préconçus. Dessiner son corps nu et le partager sur les réseaux sociaux a marqué – pour elle – un instant décisif. Le temps de l’affranchissement. Ce pas géant est devenu le premier pas d’un voyage périlleux habité par le rêve de la chute des idoles
L’expérience de Soufiane Hennani repose sur un travail de grande haleine relatif à la déconstruction de cette masculinité qualifiée de toxique. Une frontière rude et un passage non affranchi. Cela n’est possible que par le questionnement sur le droit et le comportement au sein de la place publique, la domination et le harcèlement. L’objectivité d’une telle action est de construire une société qui impute la domination masculine qui est la résultante d’une éducation et faire émerger une masculinité « éco-responsable ».
Le débat et l’échange avec l’audience ont révélé à quel point ces questions sont fraîchement abordées et que le temps de l’acharnement doit céder la place à l’apaisement et à l’écoute attentive loin des jugements qui peuvent installer des zones d’exclusion. Il est temps de revoir nos modèles de société. Une société qui ne nous se renouvelle pas, sa mort est inéluctable.