Rupture des relations diplomatiques entre Alger et Rabat: « Jeu de dupes et logique de diversion » (politologue tunisien)

La journée du 24 août 2021 restera, quoi qu’il en soit, une date triste dans la région du Maghreb Arabe, dont la construction, espoir de tant de générations, se trouve une fois de plus évanoui par l’obstination des autorités algériennes à tourner le dos à toute logique de dialogue sérieux, a dénoncé le politologue tunisien Mohamed Nejib Ouerghi.

« A travers sa décision unilatérale de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc, l’Algérie tourne le dos à toute volonté sincère de servir les intérêts des peuples de cette région », a déclaré à la MAP ce spécialiste dans les relations euro-méditerranéennes et maghrébines.

D’après cet ancien PDG de l’agence tunisienne de Presse « TAP », la décision unilatérale des autorités algériennes de rompre leurs relations diplomatiques avec le Maroc, mijotée depuis plus de deux ans, n’a pas surpris car, a-t-il expliqué, elle s’inscrit dans une logique d’escalade que le pouvoir algérien a toujours privilégiée pour installer cette région dans l’instabilité, la tension et la précipiter dans l’inconnu.

« Manifestement, d’aucuns ne peuvent nier le caractère unilatéral de la décision prise par le pouvoir algérien, sa dimension hasardeuse et injustifiée », commente-t-il, estimant que les arguments fallacieux invoqués ne peuvent duper personne des vrais mobiles qui animent des autorités algériennes à court d’arguments et qui font face à des difficultés intérieures de plus en plus pressantes et à un isolement international de plus en plus pesant.

« Le choix du timing n’est pas, non plus, innocent, ni fortuit », a fait observer M. Ouerghi, notant qu' »au moment où l’on s’attendait le plus à une désescalade, à un apaisement et à une logique de dialogue, qui prend en considération les intérêts des deux pays et de leurs peuples frères dans un contexte international et régional hésitant, le pouvoir algérien a choisi la solution du pire, celle des pistes glissantes et des faux fuyants pour détourner une opinion publique intérieure gagnée par le désespoir et la désillusion ».

Selon lui, il s’agit d’une décision irréfléchie, un véritable gâchis, une nouvelle opportunité ratée pour tourner la page à une longue période d’incompréhension, de malentendus et de mauvais calculs.

« Se trouvant acculées, les autorités algériennes ont fait une sorte de fuite en avant. Ne trouvant pas de réponses convaincantes, elles ont privilégié la logique de la tension qu’elles n’ont cessée d’entretenir depuis maintenant plus de 27 ans », a détaillé cet ancien directeur de la rédaction du magazine tunisien « Réalités » et du journal « La Presse ».

Le chercheur a rappelé que le 30 juillet dernier à l’occasion du 22ème anniversaire de la fête du trône, Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait réitéré l’appel aux autorités algériennes pour sortir les relations des deux pays du statu quo.

Il a indiqué que le Souverain a assuré les frères algériens qu’ils n’auront « jamais à craindre de la malveillance de la part du Maroc ».

« Rien n’y fait et la réponse algérienne, pourtant attendue, décline le vrai visage d’un régime aux abois », a-t-il dénoncé.

« Cette réponse s’inscrit en droite ligne de la logique choisie par le président Tebboune et ses généraux qui, face aux grandes difficultés que traverse leur pays sur les plans politique, économique et social, qui consiste à détourner l’attention de l’opinion publique intérieure, en recourant à des manœuvre de diversion improductives et pour le moins dangereuses », a-t-il noté.

« Il s’agit d’une décision inconséquente qui décline les déboires des autorités algériennes que ce soit au plan intérieur qu’au niveau diplomatique », a précisé M. Ouerghi, qui fait savoir que d’aucuns ne peuvent sous-estimer le poids des difficultés intérieures, insoutenables et insolubles, qui ont été utilisées comme artifice pour alimenter l’escalade les tensions avec le Royaume.

D’après l’orateur, tout le monde connaît le caractère délicat de la situation algérienne qu’il s’agisse au plan politique, sécuritaire, économique ou social.

Il a indiqué que la contestation intérieure ne fait que s’accentuer et le pays se trouve au bord de l’implosion comme en témoignent la colère et le mécontentement provoqués ces derniers temps par l’incapacité du pouvoir à gérer une crise multiformes, à l’instar des coupures d’eau, la recrudescence de la pandémie, les pénuries des aliments de première nécessité et les incendies de forêts.

Sur le plan international, l’Algérie perd du terrain et son isolement diplomatique n’échappe à personne, fait-il remarquer, relevant que le régime sur place, confronté à des menaces exogènes, terroristes notamment aux frontières avec la Libye, le Niger ou encore le Mali, peine à trouver des solutions qu’il est dans l’incapacité totale de régler seul.

Il a estimé que pour cette raison et bien d’autres, l’Etat algérien tente vainement de détourner l’attention de ses citoyens des échecs internes et externes en exportant ses problèmes et cherchant un ennemi virtuel.

De l’autre côté, depuis deux décennies, le Maroc n’a cessé d’engranger les réussites à la faveur d’un redéploiement exemplaire sur le plan économique, commercial, diplomatique, en Afrique de l’Ouest et au Sahel, a-t-il noté.

« Last but not least, la reconnaissance le 10 décembre dernier par l’administration américaine de la marocanité du Sahara, est restée en travers de la gorge des autorités algériennes, dépassées par les événements et promptes à jouer l’escalade que de prioriser un dialogue serein et apaisé », souligne le chercheur.