Edgar Morin, le sociologue et le philosophe français, fête ses 100 ans avec la fraîcheur d’un jeune de vingt ans. L’esprit vif et l’énergie ne manque pas de souffle. C’est très rare de vivre un tel événement avec une légende vivante comme Edgar Morin. Tout le monde célèbre cette longévité exceptionnelle car au-delà de l’accumulation des années, le paradigme de la dégradation n’a aucune raison d’être car ce grand géant de la pensée contemporaine a su échapper aux lois du temps et de la nature. Son enseignement n’est pas considéré sous l’auspice d’un gourou, mais il se place dans cette interaction inexorable qui n’a jamais cédé à l’envie d’enterrer la hache, réclamant ainsi une guerre sans fin à ce monde qui veut nous assujettir et nous rendre obsolète.
Un homme qui se mesure à un siècle où beaucoup de certitudes ont chuté et que d’autres ont pris leurs places. Plusieurs guerres ont ponctué des moments douloureux pleins de souffrances et de questionnements. « La chute des idoles » – ce titre majeur du livre de Nietzsche – est à l’image de ce que l’humanité a vécu.
Mais Edgar Morin avait la méthode pour comprendre « la complexité » de ce qui nous entoure. C’est pour cela qu’il s’est engagé dans un travail colossal autour de « La Méthode », Edition Seuil. Un ouvrage de six volumes, une invitation à penser autrement et confirmer la véracité du propos de Gaston Bachelard qui disait: « Il n’y a rien de simple, il n’y a que du simplifié ».
Simplifier l’équation du monde, n’est pas une tâche facile. Il faut être un encyclopédiste au vrai sens étymologique afin d’assumer une approche systémique de la complexité du cosmos. Ce livre « nous invite – comme il a été présenté par son éditeur – à jeter un regard nouveau sur les notions de causalité, d’ordre, de désordre, de système, d’organisation, d’autonomie, de sujet, d’objet, ouvrant un vaste horizon du savoir nous permettant de repenser la connaissance, afin de pouvoir repenser une humanité renouvelée et régénérée (ce à quoi nous conduit l’Éthique, ultime et dernier tome de La Méthode) ».
Ce chiffre 100 ans, nous rappelle « 100 ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez. Mais Edgar Morin est un fervent défenseur du mouvement et un grand amoureux de la vie qu’il affronte avec une clarté « edgarienne » d’esprit sans sombrer dans la lutte passive. S’il y a un message à retenir de cette sagesse en perpétuel mouvement, c’est de choisir entre survivre et vivre que Edgar Morin a adressé aux jeunes : « entre survivre et vivre. Survivre, je me planque, je me mets à l’abri. Vivre, à ce moment-là il faut risquer sa vie, mais risquer sa vie, ça permet de participer à quelque chose qui est une communauté de tous les jeunes de tous les pays qui se battent pour la liberté » (Emission France Culture Edgar Morin, ses conseils aux jeunes : « Il faut risquer sa vie » (juillet 2021)
Nous devons désormais penser le monde avec Edgar Morin.