Par Mohammed FARISI*
Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, l’Afrique du Nord a été maintenue dans une position de subordination et de soumission sur les plans linguistique, identitaire, politique et économique. En cherchant les raisons de cet état anormal, on constate que la multi-colonisation a contribué à maintenir cette région et sa population dans une position de faiblesse. Cette raison est particulièrement valable lorsqu’il s’agit d’évoquer les facteurs politiques et économiques qui ont influencé la société. Cependant, lorsqu’il est question de la pensée, d’autres éléments peuvent entrer en jeu.
En abordant la question de la pensée nord-africaine, on considère souvent qu’elle est composée d’un ensemble de composants culturels et civilisationnels produits par des philosophes et écrivains berbères dans d’autres langues étrangères telles que le latin, le grec, le français, et l’arabe etc. Autrement dit, cette pensée a été mise au service d’autres civilisations. En réalité, la confusion linguistique qui accompagne l’intellectuel berbère persiste encore aujourd’hui. Les raisons de cette confusion ne sont pas souvent liées à des facteurs politiques et économiques, mais plutôt au soi berbère elle-même. Ce soi peut être marquée par une complexe de l’autre ou de la supériorité de l’autre, qui résulte en une forme de haine de soi (Banhakeia : 2016).
Le complexe de supériorité de l’autre chez les Berbères ne concerne pas uniquement la supériorité économique et politique de l’autre, même si ces éléments jouent un rôle important. On croit également que la supériorité religieuse de l’autre a eu un impact primordial dans la construction de cette complexité. En examinant les débuts du mouvement intellectuel en Afrique du Nord, on constate que la production littéraire et philosophique était souvent liée aux mouvements religieux ou aux nouvelles religions de chaque époque, à savoir :
La période païenne: Juba II de Cyrène, Théodore de Cyrène, Hégésias de Cyrène, Arété, mère de Cyrène, Artissipe le jeune, Annicécis, Carnéade, Eratosthène, Lycides de Cyrène: Philosophe Platonicien, Clitomaque de Carthage. La période chrétienne: Jules l’africaine, Arnobe : le chrétien racheté, Cyprien : premier martyr d’Afrique, Lactance : mi-philosophe et mi-théologien, Sant-augustin. (Ibid.) On peut ajouter à cela la période islamique, qui se caractérise par un changement de pensée en faveur de l’Islam, et qui a contribué à améliorer tous les champs cognitifs tels que la littérature, la philosophie et la religion islamique. Cette période a laissé des traces qui perdurent jusqu’à nos jours.
Finalement, on constate que la pensée nord-africaine est souvent associée à l’autre, que ce soit sur le plan religieux, économique ou politique. En d’autres termes, elle est considérée comme un outil au service de l’autre sans condition. Cette caractéristique est perçue, d’une part, de manière positive, car elle témoigne de la capacité d’interaction avec l’autre, mais d’autre part, elle a des impacts négatifs sur l’identité et la langue maternelle, qui n’ont pas de place dans ce parcours intellectuel. Ainsi, le principal problème de cet espace géographique demeure la lacune qui nécessite des efforts pour occuper une position centrale plutôt que périphérique. Comme l’a dit Banhakeia : « Entre l’Orient et l’Occident, il n’y a pas de place spécifique pour l’Afrique du Nord. Pour exister, elle doit se rapprocher ou s’éloigner d’un pôle ou de l’autre » (Ibid.).
Références bibliographique:
Banhakeia, H. (2016). Histoire de la pensée nord-africaine, L’Harmattan, France
*Mohammed FARISI (Doctorant)
Université Sultan Moulay Slimane Maroc
Faculté des lettres et des sciences humaines
Université Sorbonne Nouvelle France
Ecole supérieure des interprètes et traducteurs