Il est des paris qu’on ne peut engager sans risquer de prêter le flanc aux critiques, a fortiori quand ce pari concerne les (méchants!) journalistes. On comprend dès lors pourquoi la question de faire un livre sur celles et ceux qui sont dans le feu de l’actualité est resté « le secret le mieux gardé » du monde de l’édition.
Il aura donc fallu s’armer de courage, et bien entendu de savoir, pour fixer dans le marbre de la page blanche ces « historiens de l’éphémère », toutes sensibilités confondues.
Driss Ajbali, « Ba » Driss pour les intimes, était prédestiné à le faire. Pour ceux qui le connaissent, depuis les années « LIBÉ » (2000), l’homme a le goût du risque et des paris audacieux. « Non, ce n’est pas difficile. Je dirais plutôt que c’est risqué. C’est même, dans certains cas, de la nitroglycérine. Je le subodorais. En faisant le pari de la subjectivité, manière de sortir de la langue de bois, je savais par avance que les quelques coups de canifs, rares cependant, donnés ici ou là, me vaudront, en retour, des coups de machettes. Je tiens à préciser que dans mon esprit, il n’y avait aucunement ni volonté de nuire ni intention d’ennoblir. Il s’agissait de restituer chacun, toutes proportions gardées, dans sa « vérité historique »« , a-t-il expliqué à un confrère.
On comprend pourquoi la première édition de « Figures de la presse marocaine » sortie fin juillet dernier avait provoqué des grincements de dents, y compris chez certains, minoritaires, qui n’auraient visiblement pas apprécié la manière dont leurs portraits ont été dressés. On comprend aussi pourquoi il a été procédé au « toilettage » et à l’édition d’un nouveau volume, l’auteur n’ayant jamais prétendu à l’exhaustivité, ni à une quelconque objectivité. « Une subjectivité assumée », a résumé le sociologue, Médiateur de l’Agence Maghreb Arab Press (MAP).
Mais attention à trop s’appesantir sur les états d’âme, car, disions-nous plus haut, l’auteur a le double mérite du courage et de la primeur, personne d’autre n’ayant osé franchir le pas. Il a aussi le mérite de fournir au lecteur marocain et étranger des clefs pour sinon cerner, du moins comprendre une profession qui a été tout sauf un long fleuve tranquille.
« Les gens du métier, les plus sérieux, ont souligné le caractère inédit de la démarche, l’apport du livre, surtout dans son introduction, dans l’édification d’une histoire du journalisme dans notre pays. La dimension didactique pour les étudiants, à l’université ou dans les écoles de journalisme« , certifie M. Ajbali.
Il faut noter aussi qu’à travers ce livre, l’auteur, au-delà des figures présentées, rend hommage à la profession tout entière.
Titulaire d’un DESS dans la gestion des entreprises de l’institut d’administration des entreprises de Strasbourg et d’un DEA en sociologie, M. Ajbali avait occupé le poste de responsable administratif et financier du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (2008-2015) et président de la commission des affaires étrangères au Conseil consultatif des droits de l’Homme (2002-2007).
Ancien chroniqueur (« Libé », « Aujourd’hui le Maroc », notamment), M. Ajbali est également auteur de plusieurs ouvrages. On citera notamment « Ben Laden n’est pas dans l’ascenseur: L’Immigration, miroir des peurs de la société » (3 déc. 2002) et « Violences et immigration »(15 juin 2001).