Dans un article publié ce jeudi dans le média « focus mediterraneo » sous le titre « Maroc 2030 et Arabie Saoudite 2034 », Marco BARATTO, marocologue connu et reconnu, décrypte les enjeux de l’attribution de l’organisation des Coupes du monde de football 2030 et 2034 respectivement au Maroc et à l’Arabie Saoudite. Vu l’importance de cet événement de portée mondiale, nous reproduisons, avec l’aimable accord de l’auteur, l’intégralité de cet article.
Par: Marco BARATTO*
L’attribution de la Coupe du monde 2030 au Maroc et de la Coupe du monde 2034 à l’Arabie saoudite marque un tournant historique dans le football mondial et dans la géopolitique mondiale. Pour la première fois, deux nations à majorité musulmane accueilleront la compétition de football la plus prestigieuse, symbolisant un changement radical non seulement dans le domaine sportif, mais aussi dans le contexte géopolitique et économique.
Le Maroc et l’Arabie Saoudite, malgré leurs caractéristiques très différentes, sont des exemples concrets de la façon dont deux régions, l’Afrique et le Golfe, émergent comme de nouvelles puissances régionales, remettant en question l’ordre mondial actuel dominé par les États-Unis, la Russie et la Chine.
Le Maroc est le deuxième pays africain à accueillir la Coupe du monde à une époque où le football est devenu un outil majeur de projection de puissance et de visibilité internationale. Cette reconnaissance n’est pas fortuite : le Maroc a démontré un engagement constant à améliorer ses infrastructures, à promouvoir le tourisme et à développer son rôle géopolitique. L’attribution pour 2030 à un pays africain de sa propre initiative marque l’entrée définitive de cette nation sur la carte mondiale du football et des puissances géopolitiques.
Le Maroc a travaillé dur sur sa stratégie de modernisation et sur l’amélioration de ses infrastructures, non seulement pour accueillir les supporters, mais aussi pour encourager un large développement du pays. Les villes de Casablanca, Rabat, Marrakech et Fès, entre autres, connaissent un boom de la construction qui ne se limite pas aux stades, mais inclut également des améliorations dans les infrastructures de transport, les secteurs technologiques et les politiques vertes. Par ailleurs, le pays a engagé un processus « d’africanisation » de ses relations diplomatiques et commerciales, consolidant ainsi son rôle de pôle économique et politique du continent.
Culturellement, le Maroc constitue un pont entre l’Occident et l’Afrique, avec une tradition de tolérance religieuse et d’échanges entre l’Islam et l’Occident qui a toujours joué un rôle clé dans sa dynamique politique. L’accueil de la Coupe du Monde 2030 représente donc non seulement une vitrine pour le football, mais aussi un signal de la manière dont l’Afrique émerge en tant qu’acteur central de la dynamique mondiale.
Si le Maroc représente une affirmation de la nouvelle Afrique, l’Arabie Saoudite incarne la puissance émergente du Golfe, qui vise depuis des décennies une diversification économique et le renforcement de son rôle de leader. L’attribution de la Coupe du monde 2034 à Riyad est une démarche symbolique qui s’inscrit parfaitement dans le contexte des ambitions saoudiennes, qui cherchent de plus en plus à jouer un rôle central au Moyen-Orient et dans la région mondiale.
L’Arabie saoudite connaît une période de transformation radicale sous la direction du prince héritier Mohammed ben Salmane, qui a lancé le projet « Vision 2030 » pour moderniser l’économie, réduire la dépendance au pétrole et développer un secteur du tourisme et du sport capable d’attirer les investissements internationaux. L’industrie du football, en particulier, est l’un des principaux instruments de cette stratégie. Les récentes acquisitions de joueurs et d’entraîneurs de classe mondiale par les clubs de football saoudiens, combinées à la construction de nouveaux stades et d’infrastructures modernes, démontrent la volonté du pays de positionner le pays comme une puissance mondiale du football.
Accueillir la Coupe du Monde 2034 fait partie de ce plan plus vaste. Le concours représentera une plateforme idéale pour montrer la « nouvelle Arabie Saoudite », un pays qui change radicalement et qui cherche à s’émanciper de l’image conservatrice et traditionnelle qui le caractérise depuis des décennies. Les réformes sociales, économiques et culturelles, telles que l’ouverture des portes du pays au tourisme et l’amélioration des droits des femmes, sont des manifestations tangibles de ce changement. La Coupe du Monde sera l’occasion de présenter une Arabie Saoudite moderne, dynamique et ouverte sur le monde.
L’attribution simultanée de la Coupe du monde 2030 au Maroc et de la Coupe du monde 2034 à l’Arabie Saoudite marque un changement dans la géopolitique mondiale qui va bien au-delà du football. Si pendant des décennies la puissance mondiale a été dominée par trois acteurs principaux – les États-Unis, la Russie et la Chine – on assiste aujourd’hui à la naissance de nouvelles puissances régionales qui ne se limitent pas à être de simples acteurs locaux, mais s’approprient de plus en plus une scène de plus en plus globale.
Le Maroc, de par sa position géopolitique différente de celle de l’Arabie saoudite, apparaît comme un acteur clé en Afrique et dans le monde arabe. Fort de sa stabilité politique, de son influence croissante en Afrique subsaharienne et de son engagement dans la lutte contre le changement climatique et le développement durable, le Maroc trace une voie qui le conduira à devenir l’une des « nations clés » non seulement dans le football, mais aussi dans l’économie et la diplomatie africaines.
D’un autre côté, l’Arabie saoudite, avec sa richesse pétrolière et ses nouvelles politiques de diversification, vise à devenir une puissance mondiale incontournable. Sa position dans le Golfe, son engagement à réformer le pays et son alliance stratégique avec les États-Unis sont des signes que le pays entend devenir un acteur important sur la scène politique mondiale, dépassant le rôle traditionnel de puissance pétrolière pour devenir une puissance potentielle dans le monde. de nouvelles sources d’énergie.
L’attribution de la Coupe du monde 2030 au Maroc et 2034 à l’Arabie Saoudite marque le début d’une nouvelle ère pour le football et la géopolitique mondiale. Ces pays, bien qu’appartenant à des contextes culturels, politiques et sociaux très différents, sont un symbole de la transformation qui touche le monde arabe et africain. Loin de la logique occidentale, le Maroc et l’Arabie Saoudite réécrivent les règles du jeu en proposant un nouvel ordre mondial dans lequel des puissances régionales comme celles-ci exercent non seulement une influence croissante, mais se positionnent également comme des points de référence pour l’avenir géopolitique et économique.
*Politologue italien