LE MODÈLE MAROCAIN POUR UN DÉPASSEMENT POLITIQUE DES ANNÉES DE PLOMB EN ITALIE (PAR MARCO BARATTO, POLITOLOGUE)

Par Marco Baratto*

Ces jours-ci, le procès du terrible massacre de la Piazza della Loggia s’est ouvert à Brescia. Cet événement n’est que l’un des nombreux qui ont marqué les « anni di piombo » en Italie. Il ne m’appartient pas, notamment parce que ce n’est pas le sujet qui nous intéresse, d’entrer dans le vif du sujet. Il s’agit plutôt de rechercher, à travers des modèles éprouvés ailleurs, des solutions possibles. Si, d’une part, nous devons respecter l’action de la loi, et s’il y a eu des faits criminels, il est juste que les instigateurs et les exécutants soient condamnés, d’autre part, le moment est peut-être venu d’une sorte de « purification de la mémoire », qui servirait à clore à l’ombre les « anni piombo ».

Cette purification servirait à clore les événements sous l’aspect politique et à ouvrir la nation au changement et au renouveau. Sans préjudice, donc, des principes sacro-saints du droit et du devoir de mémoire, peut-être devrions-nous nous ouvrir à la possibilité de créer, en Italie aussi, une « Commission pour l’équité et la réconciliation », semblable à celle voulue il y a presque vingt ans, le 12 avril 2004 pour être précis, par le Roi du Maroc, Mohammed VI, pour faire la lumière sur la période qui est aussi connue au Maroc comme les « années de plomb ».

En s’inspirant de la commission marocaine, on pourrait envisager, par exemple: la reconnaissance par l’État de ses éventuelles responsabilités dans les violations graves et la présentation d’excuses officielles ; la réhabilitation des victimes sans distinction de parti politique et l’indemnisation par une juste compensation matérielle et morale.

La commission italienne devrait tenir ses réunions de manière publique, les participants pourraient être en partie tirés au sort dans chaque région italienne parmi ceux qui n’ont jamais exercé de fonctions dans les administrations d’Etat, une partie représentée proportionnellement par le Parlement et une partie nommée par le chef de l’Etat parmi des historiens et des universitaires de renom. Il ne s’agit pas de faire table rase, mais de rétablir la vérité ou du moins d’avoir le courage d’affronter le problème. Les coupables seront punis par la justice, qui doit être soutenue dans cette démarche, mais la société civile aurait enfin la paix, les morts auraient leur paix car ils seraient tous rappelés et honorés.

Le Maroc a eu avec la « Fairness and Reconciliation Commission » à faire la lumière sur son histoire, c’est ainsi que toute la société est sortie purifiée de cette affaire et s’est retrouvée prête, unie et solidaire pour les défis du troisième millénaire. Même si elle a vingt ans de retard sur le Maroc, l’Italie devrait prendre exemple sur cette nation si proche de nous, non seulement géographiquement.

*Politologue italien